Escalade de la répression envers la presse

En l'espace de 24 heures, 13 journalistes, dont le caricaturiste Ali Dilem, sont passés devant le tribunal de Sidi M'Hamed d'Alger. Ils risquent entre 6 mois et un an de prison. Reporters sans frontières condamne fermement l'acharnement judiciaire à l'encontre de ces journalistes et demande une réforme du code pénal.

En l'espace de 24 heures, 13 journalistes sont passés devant le tribunal de Sidi M'Hamed d'Alger. Ils risquent entre 6 mois et un an de prison. Reporters sans frontières condamne le harcèlement judiciaire dont sont victimes les journalistes. Ces procès reflètent bien la situation qui a prévalu pendant toute l'année 2004, particulièrement dure pour les médias en Algérie. Des dizaines de journalistes ont été convoqués par la justice suite aux plaintes en diffamation émanant du pouvoir. Incarcérations, menaces, interpellations, censure, refus d'accréditation et condamnations à des peines de prison sont devenus le lot quotidien des journalistes. "Nous dénonçons fermement le recours à des peines d'emprisonnement dans des affaires de diffamation et demandons aux autorités algériennes une réforme du code pénal afin de supprimer les peines de prison pour des délits de presse. Pour rappel, l'article 144 bis du code pénal prévoit des peines de deux à douze mois de prison et des amendes pour toute mise en cause du président de la République dans des termes injurieux, insultants ou diffamatoires. Par ailleurs, les amendes demandées par les procureurs sont totalement disproportionnées et susceptibles de causer la fermeture de publications pour problèmes financiers", a ajouté l'organisation. Le 28 décembre 2004, le directeur de publication et trois journalistes du quotidien Le Soir d'Algérie, Fouad Boughanem, Mohamed Bouhamidi, Hakim Laâlam et Kamel Amarni, ont été condamnés à un an de prison avec sursis par le tribunal de Sidi M'Hamed d'Alger pour " offense au président de la République " et " diffamation ". Par ailleurs, le journal doit payer une amende de 2 500 000 dinars (soit près de 26 000 euros). C'est à la suite de plusieurs articles, publiés avant l'élection présidentielle d'avril 2004, qui dénonçaient la corruption dans les milieux politiques et les dérives du président Abdelaziz Bouteflika, que les journalistes ont été poursuivis par la justice. Fouad Boughanem et Hakim Laâlam ont comparu, le même jour devant la même cour, dans un autre procès. Le procureur de la République a requis un an de prison ferme à l'encontre du directeur du Soir d'Algérie et du journaliste à la suite de la publication, par solidarité avec cinq journaux empêchés de paraître en été 2003, d'un article, dans le quotidien Liberté, jugé diffamatoire envers le président de la République. Le verdict sera prononcé le 11 janvier 2005. Le caricaturiste Ali Dilem, les journalistes Sid Ahmed Semiane et Ghada Hamrouche et le directeur de publication du Matin, Mohammed Benchicou, se sont retrouvés devant ce même tribunal. Le ministère de la Défense nationale (MDN) a poursuivi pour "diffamation" les quatre journalistes à la suite de la publication dans le quotidien d'un article de Ghada Hamrouche dans lequel elle rapportait les déclarations faites par Ali Dilem et Sid Ali Semiane, après le report d'un premier procès qui les opposait au MDN. Dilem et Semiane ont été condamnés en première instance à six mois de prison ferme tandis qu'une peine de six mois de prison avec sursis a été prononcée contre Hamrouche et Benchicou, qui purge déjà, depuis le 14 juin 2004, une peine de deux ans de prison ferme. Dans une autre affaire, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a poursuivi en justice les quotidiens El Khabar et El Watan pour "diffamation" suite à la publication d'une lettre qui émanerait d'officiers de police dans laquelle ils dénonçaient les "agissements" du directeur général de la DGSN et de son secrétaire général. La partie civile a demandé 300 millions de dinars (soit plus de 3 millions d' euros) de dommages et intérêts. Le procureur a requis six mois de prison ferme à l'encontre du directeur de publication d'El Watan, Omar Belhouchet, de la journaliste, auteur de l'article, Salima Tlemçani et du directeur d'El Khabar, Ali DJerri. Par ailleurs, Redouane Boudjemaa, journaliste du quotidien El-Youm, a été condamné à 18 mois de prison avec sursis pour "diffamation" après qu'il avait publié une série d'articles dénonçant la gestion des fonds publics, le choix des programmes et les méthodes de recrutement de la télévision d'Etat, ENTV. Enfin, le quotidien arabophone Essabah a été fermé le 1er décembre, officiellement pour des problèmes financiers. Cependant, tout porte à croire que cette fermeture est intervenue à la suite de la publication d'un article relatant des supposées démarches du président Bouteflika en Suisse pour s'enquérir de l'argent "illégal" placé par des Algériens.
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Updated on 20.01.2016