Inde : nouvelle arrestation d’un journaliste dans un contexte de dégradation de la liberté de la presse

Mohammed Zubair, cofondateur du site de vérification d’informations Alt News, a été arrêté, le 27 juin, pour un tweet de 2018. Sa détention a été prolongée de quatre jours ce mardi 28 juin. Reporters sans frontières (RSF) condamne ce harcèlement judiciaire et alerte sur l’aggravation des restrictions affectant les journalistes en Inde.

“Le harcèlement judiciaire dont est victime Mohammed Zubair semble ne plus connaître de limites. Ce traitement illustre tristement la répression qui s’abat en Inde sur les médias indépendants, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Nous appelons les autorités à le libérer immédiatement et à faire cesser les intimidations contre les journalistes dans le pays.”

Le journaliste d’Alt News, Mohammed Zubair, a été arrêté le 27 juin, sur la base d’une plainte d’un utilisateur du réseau social relative à un tweet publié en mars 2018. Ce tweet relayait l’image d’un hôtel dont l’enseigne avait été repeinte, transformant son nom “Honeymoon Hotel” en “Hanuman Hotel”. Une image humoristique qui lui vaut d’être aujourd’hui accusé d’”atteinte aux sentiments religieux” et “d’incitation à la haine”. Pratik Sinha, le cofondateur d’Alt News, a pointé des violations de la procédure judiciaire, telle qu’une absence de notification. Ce mardi 28 juin, sa détention a été prolongée de quatre jours, le temps de le transférer à Bangalore, où se trouverait l'appareil avec lequel le tweet a été publié. 

Dans son travail de journaliste et sur twitter, Mohammed Zubair dénonce régulièrement les fausses informations et les messages de haine qui ciblent notamment les musulmans. En mai, le journaliste avait mis en lumière les propos controversés sur le prophète Mahomet de Nupur Sharma, ancienne porte-parole du parti nationaliste au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP). Des propos qui avaient déclenché de violentes émeutes dans le pays ainsi qu’une tempête diplomatique. Nupur Sharma avait alors été démise de ses fonctions. 

Harcèlement judiciaire 

Depuis plusieurs mois, le journaliste Mohammed Zubair était la cible des mouvances ultra-nationalistes hindoues, qui réclamaient son arrestation. Début juin, il a été sous le coup d’une enquête de la police de l’Uttar Pradesh, un État situé dans le nord de l’Inde, pour un tweet dans lequel il qualifiait certaines personnalités de l’extrême-droite indienne de “semeurs de haine”. 

Le journaliste “fact-checker” a déjà plusieurs fois été visé dans des affaires judiciaires. Il y a à peine un an, il faisait l’objet, ainsi que l’éditorialiste du Washington Post Rana Ayyub et l’auteure Saba Naqvi, de charges de “conspiration criminelle”, après avoir posté des commentaires sur la vidéo d’un homme malmené par d'autres individus.

Des restrictions sur les réseaux sociaux

Au-delà de ce nouvel épisode de harcèlement judiciaire du journaliste d’Alt News, cette affaire s’inscrit dans un contexte inquiétant de restrictions croissantes de la liberté des journalistes indépendants en Inde, notamment par le biais des réseaux sociaux.

Le 25 juin, Mohammed Zubair avait signalé qu’une de ses publications sur Twitter, critique de l’extrême droite, avait été supprimée par le réseau social, à la demande du gouvernement au nom de la loi indienne sur les technologies de l’information de 2000. 

De son côté, la journaliste Rana Ayyub avait annoncé le 26 juin qu’un de ses tweets daté d’avril 2021, à propos de l’ouverture d’une enquête sur une mosquée à Varanasi (Uttar Pradesh) avait également été supprimé sur le même fondement légal.

Plusieurs tweets de l’ONG américaine Freedom House (étudiant l’état de la démocratie dans le monde) concernant le déclin de la liberté sur Internet en Inde dans leur rapport 2020, ont d’ailleurs également été supprimés par le réseau social, selon un document de Lumen Database du 26 juin. 

Des retraits qui s’inscrivent dans une volonté du gouvernement indien de reprendre la main sur les réseaux sociaux. En effet, le 6 juin dernier, le gouvernement de Narendra Modi avait annoncé un projet de loi controversé, visant à réformer la gestion des réseaux sociaux, mettant notamment en place un “panel gouvernemental” chargé d'examiner les appels quant aux décisions de modération de contenu prises par les entreprises.

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