Arabie saoudite
En 2011, le régime a tout fait pour dissuader la population d’être informée des soulèvements populaires dans les autres pays arabes. Inflexible face au bouillonnement du Web, il s’est appliqué à verrouiller encore davantage Internet afin de limiter la circulation de l’information et d’étouffer toute revendication politique et sociale.
Censure implacable Ne tolérant aucune critique, le gouvernement applique depuis plusieurs années une censure implacable, sous la forme d’un système de filtrage étendu, assorti de régulations liberticides, et d’une surveillance en ligne généralisée (lire le chapitre Arabie Saoudite du rapport 2011 des Ennemis d’Internet). Les autorités ont eu recours au blocage de sites, créés dans le sillage des manifestations en Tunisie et en Egypte, qui relaient les revendications des manifestants, comme dawlaty.info et saudireform.com. Une pétition a circulé en ligne pour réclamer directement au roi des réformes politiques, reprise sur Twitter grâce au hashtag #saudimataleb. Malgré la censure, elle a été signée par plusieurs centaines de personnes, des militants, des écrivains mais aussi des universitaires. Les forums et les réseaux sociaux ont fait l’objet d’une surveillance renforcée de la part des autorités, anticipant des manifestations organisées dans plusieurs villes du royaume, le 11 mars 2011, renommé “Jour de la Colère”. La page Facebook “Revolutionary nostalgia", écho des appels aux réformes, a rejoint la longue liste des URL rendues inaccessibles dans le pays. Le site de l’ONG Amnesty International a été bloqué suite à la publication d’un projet de loi antiterroriste destiné à réprimer plus durement les critiques de la famille royale. Tentative de black-out sur les troubles dans l’est du pays Les autorités ont tenté d’imposer un véritable black-out sur les manifestations dans le gouvernorat d’Al-Qatif, à l’est du pays, à majorité chiite. Elles ont agité le spectre de troubles confessionnels pour justifier la répression. Plusieurs manifestants ont été tués par balle. Les journalistes étrangers, pourtant munis de visa, ont été interpellés alors qu’ils tentaient de couvrir les manifestations dans la ville de Houfouf, toujours à l’est. Ce sont les net-citoyens qui ont diffusé des informations sur ces événements en ligne, parfois à leurs risques et périls. Connus pour leurs activités sur la Toile, les blogueurs Mustafa Al-Mubarak et Hussein Al-Hashim ont été arrêtés en avril 2011 et leurs ordinateurs confisqués. Ils ont été libérés par la suite. En revanche, l’écrivain Nazir Al-Majid qui avait publié, en avril, un article intitulé “Je proteste, donc je suis un être humain” sur le site d’informations rasid.com, est toujours emprisonné. Tout comme Fadil Al-Manasef et Hussein Al-Youssef, ainsi que l’écrivain et réformateur Sheikh Mekhlef bin Dahham Al-Shammari. Détenu depuis juin 2010, il pourrait être poursuivi pour “terrorisme”. Son état de santé s’est considérablement dégradé. Eviter tout risque de “déstabilisation sociale” Des mesures d’exception ont été prises pour éviter tout risque de “déstabilisation sociale” dans un contexte régional agité et ce, parallèlement aux promesses faites par le roi, en mars 2011, d’accorder des milliards de dollars de subvention pour améliorer les conditions de travail et de logement des Saoudiens, ainsi que leur couverture santé. Trois journalistes d’une télévision en ligne ont été arrêtés en octobre 2011 et détenus pendant plusieurs jours à la suite de la diffusion, dans l’émission “Malub Aleyna”, d’un sujet sur les conditions de vie des plus démunis dans la capitale saoudienne. La vidéo a été vue plus de 500 000 fois en ligne. Le site Internet de Radio Nederland a été bloqué suite à la publication d’un article traitant de la maltraitance des immigrés en Arabie Saoudite. Preuve de l'implacable intolérance des autorités à l’égard de la liberté d’expression : le journaliste Hamza Kashgari est emprisonné et poursuivi pour avoir partagé une opinion personnelle en ligne. Il risque la peine de mort pour des tweets jugés blasphématoires par les autorités. Ces derniers mois, la bataille pour les droits des femmes s’est jouée en grande partie en ligne, seul espace d’information et de mobilisation sur ces problématiques. De la campagne Women2Drive pour le droit des femmes à conduire, lancée sur Facebook, Twitter et YouTube (l’une des organisatrices a été arrêtée pour s’être filmée en train de conduire), à la campagne Baladi pour le droit de vote des femmes. Cette dernière s’est soldée par une victoire : l’obtention du droit de vote des femmes aux élections de 2015, d’autant plus cruciale qu’elle intervient dans un contexte marqué par un recul général des libertés.