Six journalistes arrêtés en deux semaines en Azerbaïdjan : l'emballement de la machine répressive d'Ilham Aliev doit être stoppé
En Azerbaïdjan, le présentateur de la chaîne d’information sur YouTube Kanal 13, Rufat Muradli, a été condamné à trente jours de prison pour “désobéissance” à la police, après l’arrestation de son directeur et de quatre collaborateurs d’Abzas Media ces deux dernières semaines. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces détentions à répétition et demande au Conseil de l’Europe de rappeler le régime à ses engagements et de faire libérer tous les journalistes.
La chasse aux journalistes des quelques médias encore indépendants opérant sur le territoire azerbaïdjanais se poursuit : le samedi 2 décembre, des policiers en civil ont arrêté Rufat Muradli à Bakou, la capitale, alors qu’il garait sa voiture sur un parking. Accusé d’avoir “utilisé un langage injurieux dans la rue” et d’“avoir désobéi” lorsque ces derniers lui ont fait une “remarque”, ce qu’il réfute, le présentateur de la chaîne YouTube Kanal 13 a été condamné à 30 jours de détention pour “désobéissance à la police” (article 535.1 du Code administratif).
Avant son arrestation, il préparait une interview avec la mère de la rédactrice en chef d’Abzas Media, Sevinj Vagifqizi, arrêtée le 20 novembre. Son avocat dénonce un verdict “prémédité”, rapporte l’agence de presse indépendante Turan. La juge a refusé, selon lui, tout enregistrement audio ou vidéo durant l'audience et aucune retranscription écrite n'a été effectuée.
“Rufat Muradli est le sixième journaliste arrêté ces deux dernières semaines. Nous assistons à une véritable traque, confirmant l’objectif des autorités azerbaïdjanaises : éliminer toutes les voix indépendantes qui révèlent les agissements en toute impunité d’une élite politique corrompue. Arrestations arbitraires, violences, preuves falsifiées… RSF dénonce cet emballement répressif et demande au Conseil de l’Europe de rappeler le régime d’Ilham Aliev à ses engagements et de faire libérer tous les journalistes.
Quatre collaborateurs d’Abzas Media ont été arrêtés depuis le 20 novembre : la rédactrice en chef Sevinj Vagifqizi, le directeur Ulvi Hasanli, l’assistant de celui-ci, Mahammad Kekalov ainsi que la journaliste Nargiz Absalamova. Le directeur de Kanal 13, Aziz Orujov, figure également parmi les journalistes arrêtés ces derniers jours. Le 4 décembre, la cour d’appel de Bakou a rejeté le recours de celui-ci contre sa mise en détention provisoire, comme elle l’avait fait le 27 novembre pour ceux de ses deux confrères d’Abzas Media. Victimes de mauvais traitements et privés de visites et de contacts téléphoniques avec leurs proches, Ulvi Hasanli et Sevinj Vagifqizi encourent jusqu'à huit ans d’emprisonnement pour “contrebande de devises étrangères”. Le reste de la rédaction, qui n’a plus accès à ses bureaux, subit une pression permanente avec des interrogatoires à répétition. Abzas Media et Kanal 13 sont des médias indépendants qui publient régulièrement des enquêtes sur des affaires de corruption dans l’entourage du président Ilham Aliev.
Par ailleurs, deux journalistes indépendantes – Aytaj Mammadli et Shahla Kerim – ont été interpellées une première fois le 2 décembre, lors d’un reportage sur le marché local, puis une seconde fois le 4 décembre, alors qu’elles interviewaient des passants dans la rue à Lankaran, dans le sud du pays. La police les a soumises à un interrogatoire, les accusant d’espionnage, et a supprimé les vidéos de leur reportage, selon les journalistes qui dénoncent des “pressions psychologiques”.
Le ministère des Affaires étrangères azerbaïdjanais a accusé des organisations basées aux États-Unis, en Allemagne et en France d’avoir participé au “financement illégal” d’Abzas Media. Les médias fidèles au pouvoir mènent des campagnes de discrédit, accusant sans preuves et de manière totalement infondée des journalistes et des ONG comme RSF de faire partie d’un “réseau” international financé par les États-Unis contre l’Azerbaïdjan.