Dans un décret dont Reporters sans frontières (RSF) a pu se procurer une copie, le gouvernement pakistanais entend créer un poste de “coordinateur national” dont le rôle serait de réclamer la suppression de certains messages circulant sur les plateformes.

Le gouvernement pakistanais poursuit inlassablement sa tentative de mettre au pas l’Internet. Dans une note secrète datée du 28 janvier, le cabinet du Premier ministre Imram Khan a adopté un document intitulé “Règles de protection des citoyens (contre les nuisances en ligne)”


Ce texte, qui a fuité la semaine dernière, prévoit la création d’un poste de “coordinateur national”, nommé directement par le ministère des technologies de l'information et des télécommunications. Cette autorité aurait la charge de “réguler” les plateformes de réseaux sociaux : de fait, en guise de régulation, elle pourrait réclamer arbitrairement le retrait de tout contenu qu’elle jugerait “nuisible”, et exiger la désactivation du chiffrement des données des utilisateurs.


“Les formulations vagues et ambiguës utilisées dans ce texte témoignent du caractère arbitraire des mesures envisagées par le gouvernement, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons les autorités fédérales à annuler ce décret, qui fait peser de lourdes menaces sur le travail des journalistes et le respect de la protection des sources. La nécessaire régulation des réseaux sociaux ne doit pas prendre la forme d'une censure déguisée.”


Inconstitutionnel


Le décret prévoit en outre d'autres mesures visant à renforcer le contrôle du gouvernement sur les entreprises de médias sociaux, en les sommant d'ouvrir des bureaux locaux à travers le pays ou en les menaçant d'amendes : une entreprise serait contrainte de payer la somme de 500 millions de roupies - trois millions d’euros - pour tout post qui ne serait pas effacé dans les temps.


Le Coordinateur national se réserverait aussi le droit d’exiger des plateformes qu’elles livrent toute donnée, privée ou publique, relative à chaque utilisateur. 


Le mois dernier, le régulateur de l’audiovisuel pakistanais (Pakistan Electronic Media Regulatory Authority, PEMRA), avait émis un document de “Consultation sur la régulation des contenus des Web TV et des services de télévision par contournement”. Sous couvert de "consultation", le gouvernement cherchait avec ce document à élargir sa censure de l'espace médiatique aux vidéos en ligne.


Le projet, jugé inconstitutionnel, a été rejeté le 10 février par le Comité des Droits de l’homme du Sénat, qui a déclaré la PEMRA incompétente en la matière. 


Le Pakistan se situe à la 142e position sur 180 pays dans l’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse publiée par RSF.

Publié le
Updated on 18.02.2020