Le coup d’État militaire du 25 octobre 2021 a signé le retour du contrôle de l’information et de la censure. L’insécurité a augmenté pour les journalistes.
Paysage médiatique
Les médias audiovisuels, largement dominés par l'État, constituent la principale source d'information des Soudanais. Les médias étatiques, Sudan National Radio Corporation et Sudan National Broadcasting Corporation, fonctionnent comme des outils de communication du régime. Depuis le coup d’État du 25 octobre 2021, la situation des médias et journalistes indépendants s’est dégradée et le secteur s’est fortement polarisé. Les professionnels critiques ont été arrêtés et internet est régulièrement rendu inaccessible pour museler l’information. Des messages de propagande sont diffusés dans les médias publics sous le contrôle des militaires, rappelant les méthodes employées sous le régime d’Omar el Béchir (1989 - 2019).
Contexte politique
Après 20 ans de dictature militaire et une tentative de transition démocratique en 2019, le putsch du général Burhan, en 2021, a mis en péril les récentes et timides avancées en matière de liberté de la presse. L’organisation de régulation de médias soudanais (National Council for Press and Publication) est habilitée à fermer des publications critiques sans décision judiciaire, et le ministère de l’Information gère les licences de radiodiffusion de façon très politisée.
Cadre légal
La liberté de la presse et l’accès à l’information sont garanties par la Constitution provisoire adoptée en 2019. Néanmoins, certaines lois utilisées sous l’ancien régime sont restées en vigueur et musèlent les médias critiques. La loi sur la cybercriminalité de 2020 limite la liberté des professionnels de l’information, tout comme la loi de 2009 relative à la presse et aux publications, qui permet de renforcer le contrôle des parutions par le biais du Conseil national de la presse et des publications. Enfin, la loi sur la sécurité nationale de 2010 criminalise la publication de mensonges et de “fausses informations”, et toute publication qui “menace la tranquillité publique” ou “sape le prestige de l’État”.
Contexte économique
La répartition des annonces publicitaires entre les médias est basée sur le clientélisme et l’affinité avec le gouvernement, et l’État prive de publicités les institutions qui ne soutiennent pas ses positions. Dans l’espoir d’améliorer leurs conditions matérielles et sociales, plusieurs journalistes ont été contraints de travailler avec le secteur militaire et les mouvements armés. La pandémie a profondément affecté le secteur au Soudan, notamment pour les femmes journalistes, et nombreuses sont celles qui ont été licenciées ou contraintes de prendre un congé. Celles qui tentent de rester ne reçoivent plus que la moitié de leur salaire.
Contexte socioculturel
Le Soudan est un pays multiculturel et pluriethnique où la tolérance et le vivre ensemble sont mis à mal. La sensibilité des groupes ethniques est extrêmement exacerbée, et les accusations d’offenses se multiplient, visant essentiellement les médias. L’interférence des groupes religieux, qui usent de leurs réseaux pour défendre leurs intérêts, contribuent à assombrir l’horizon de la presse. La révolution a été synonyme d’une certaine liberté de ton sur les réseaux sociaux, mais, mal contrôlée et excessive, elle alimente le racisme et la misogynie, se concentrant sur les femmes et les minorités ethniques et sexuelles.
Sécurité
Les menaces qu’encourent les journalistes se sont accentuées ces dernières années avec l’émergence de nouvelles milices et de mouvements armés. Lors de manifestations, ils sont systématiquement agressés et insultés, voire arrêtés et torturés, par l’armée ou les forces de soutien rapide. Les journalistes critiques des autorités ou ayant publié des documents compromettants pour le pouvoir sont surveillés et placés sur écoute. Les correspondants ne travaillent qu’à travers des laissez-passer concédés par l’État. Les femmes journalistes sont particulièrement visées par des intimidations, menaces ou actes de représailles. Protégés par les autorités, les prédateurs des journalistes jouissent d’une impunité totale. Le Réseau soudanais des journalistes, le Réseau soudanais des médias et les journalistes pour les droits de l’homme, constituent des mécanismes civils documentant les violations de leurs droits.