Soudan : les journalistes pris au piège de la guerre civile

Depuis huit mois, les journalistes soudanais sont pris au piège de la guerre civile qui a éclaté entre l’armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide. Reporters sans frontières (RSF) rappelle aux parties en conflit que leur responsabilité pénale est engagée en cas d’atteinte à l’intégrité des journalistes et que leur protection doit être une priorité.

Journaliste pour la chaîne de télévision Sudan 24 et pour le site d’information en ligne Saqia press, Amar Dhaw a été agressé et frappé, début décembre, par un policier dans la province d’Al Qadarif, dans l’est du pays. Son seul tort : avoir filmé une voiture de police dans le cadre d’un reportage, selon les informations recueillies par RSF. 

Dans la foulée, deux journalistes ont été enlevés par des agents des Forces de soutien rapide (FSR). Mohamed Abderrahim de l’Agence de presse soudanaise a été kidnappé le 3 décembre, devant chez lui, à Khartoum, la capitale du pays, selon les informations de RSF. Le journaliste au quotidien Akhbar AlEl Yawm, Bahaeddine Abou Kassem, est quant à lui porté disparu depuis le début du même mois, selon sa sœur qui a signalé son enlèvement aux confrères du journaliste, comme le rapporte le Syndicat des journalistes soudanais. Nous sommes, à ce jour, sans nouvelles de ces deux journalistes.

Les médias et les journalistes sont  l’objet d’attaques graves et répétées depuis le début du conflit en avril 2023 entre l’armée soudanaise et la milice des Forces de soutien rapide (FSR).

« Il est impératif de rappeler aux protagonistes de cette guerre que leur responsabilité pénale est engagée en cas d’atteinte à l’intégrité physique des journalistes, qui sont protégés par le droit international dans les situations de conflits. Ils ne doivent en aucun cas être pris pour cible, ni être arrêtés ou détenus pour avoir exercé leur métier. Les auteurs de ces atteintes auront à répondre de leurs méfaits.

Khaled Drareni
Représentant de RSF en Afrique du Nord

Les exactions contre les journalistes explosent dans le pays, où, depuis le 15 avril, s’affrontent le général de l’armée régulière – et dirigeant de facto – Abdel Fattah al-Burhan, qui siège à Port-Soudan et contrôle les territoires à l’est du Nil, et le général Mohamed Hamdan Daglo dit “Hemetti” à la tête des FSR, basé dans la capitale Khartoum, qui contrôle plusieurs grandes villes au Darfour et dans l’ouest du pays.“Même traverser la rue et quitter puis revenir à la rédaction du journal est devenu un parcours du combattant. Elle est située dans une zone dangereuse qui connaît nombre d’affrontements et de fusillades”, témoigne auprès de RSF Amr Chabane,le journaliste et rédacteur en chef du journal Al Sudani basé à Khartoum.

Les médias pillés 

Le siège de l’Autorité générale de la radio et télévision soudanaises à Omdurman, dans la banlieue de Khartoum, a par ailleurs été transformé en centre de détention depuis plusieurs semaines, selon le Syndicat des journalistes soudanais, qui appelle dans un communiqué, à “dénoncer ce comportement irresponsable qui expose l’héritage historique du pays à la destruction et à la disparition”. Selon cette même source, depuis novembre, le matériel professionnel de ces médias publics est pillé et mis en vente sur les trottoirs de la ville. Une autre chaîne de télévision, Le Nil bleu, a connu le même sort : la totalité de son matériel a été volé et exposé à la vente au marché de Libye à Omdurman. 

Trois médias renommés du pays, les chaînes de télévision Sudan 24 et Al Balad, et la BBC à Khartoum ont également été vandalisés et pillés, selon le Syndicat des journalistes soudanais, qui a appelé toutes les organisations régionales et internationales de défense de la liberté de la presse à dénoncer ces pratiques et à œuvrer pour les éliminer.

Selon plusieurs journalistes sur place, 26 journaux papier ont cessé de paraître depuis huit mois et dix stations de radios ont cessé d’émettre. Sept radios locales ont également fermé, seules deux continuent d’émettre, mais de façon aléatoire.

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