Reporters sans frontières juge inopportune et injuste vis-à-vis des rédactions concernées la saisie de trois médias, le 8 juillet 2008 à Quito et Guayaquil. Sans préjuger des motifs de ces mesures, l'organisation craint que ces dernières n'aggravent un climat tendu entre la présidence et la presse, à l'approche du référendum constitutionnel.
Reporters sans frontières regrette la mesure de saisie dont ont fait l'objet les chaînes privées Gamavisión et TC Televisión, le 8 juillet 2008 à Quito, et la station Radio Sucre, le même jour à Guayaquil (Ouest). Cette saisie par les autorités équatoriennes a entraîné quelques modifications dans la programmation des médias mais pas leur interruption. Tout en soulignant que les procédures engagées d'une part contre les deux chaînes, d'autre part contre Radio Sucre n'obéissent pas aux mêmes motifs, et sans préjuger du fond des deux affaires, l'organisation estime la saisie de ces trois médias à la fois inopportune et injuste envers leurs rédactions respectives. En désaccord avec ces mesures, le ministre de l'Économie, Fausto Ortiz, a d'ailleurs démissionné le jour même.
“Que les propriétaires de Gamavisión et TC Televisión soient soupçonnés de banqueroute et de malversations et fassent l'objet d'une procédure est une chose. Etait-il nécessaire pour autant de dépêcher la police dans les locaux des rédactions et de perturber la programmation des deux médias ? Le cas de Radio Sucre est d'un autre autre ordre, puisque la station n'aurait pas respecté certaines normes de fréquence. Néanmoins, à l'approche de la validation et de la mise au vote d'une nouvelle Constitution qui entend revoir en partie la régulation des médias, et dans un contexte de tension entre la présidence et la presse, ces épisodes ne créent pas une ambiance favorable à un débat serein. Nous redoutons au contraire qu'ils n'entraînent une polarisation nuisible à l'information, comme le cas s'est déjà vu dans d'autres pays proches”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 8 juillet à Quito, la police a fait irruption dans les locaux de Gamavisión et TC Televisión sur instruction de l'Agence des garanties de dépôts (AGD). Les deux chaînes ont pu continuer à diffuser leurs programmes sauf leurs bulletins d'informations. En signe de protestation, Gamavisión a placé quelques secondes à l'écran la mention “censuré”, à la suite de l'interruption du journal de la matinée. La saisie concernerait au total quelque 200 entreprises - dont Gamavisión et TC Televisión - appartenant aux banquiers William et Roberto Isaías.
Actuellement en fuite aux États-Unis, sous le coup d'une procédure pour “malversations”, les deux frères dirigeaient la société Filanbanco, mise en liquidation en 1999 après avoir accumulé plus de 600 millions de dollars de dettes. En réaction à la saisie, la famille Isaías a nié détenir Gamavisión et TC Televisión. La première chaîne a assuré n'avoir aucun lien avec les Isaías, la seconde a au contraire confirmé appartenir à un autre frère des deux banquiers, Estéfano Isaías. La nouvelle Constitution voulue par le président Correa, dont la validation est prévue le 18 juillet avant un vote référendaire en septembre, interdirait tout contrôle d'un média par un groupe bancaire. Les directions des chaînes ont fustigé “une atteinte à la liberté d'expression”.
Toujours le 8 juillet, à Guayaquil, la police a procédé à la saisie et à la fermeture des locaux de Radio Sucre, qui a cependant pu continuer à émettre via une autre fréquence et sur son site Internet. La procédure relevait cette fois de la Superintendance des télécommunications, selon laquelle la station aurait commis des irrégularités dans l'utilisation des fréquences. Le superintendant Paul Rojas a averti que quatorze autres stations étaient dans le même cas et risquaient à leur tour une saisie.
Globalement satisfaisante en Équateur, la situation de la liberté de la presse souffre surtout des relations très tendues entre le président Correa et une partie des médias. Tolérant mal certaines critiques, le chef de l'État a demandé, le 23 juin dernier, la réouverture d'une procédure pour “injure” contre Francisco Vivanco, directeur du quotidien La Hora à Quito, dont un éditorial paru en 2007 lui avait déplu. La justice avait pourtant classé la plainte. Le journaliste risque une peine comprise entre six mois et deux ans de prison ferme. La nouvelle Constitution voulue par le président Correa, en cours de finition, garantit néanmoins que le pouvoir politique n'interviendra pas sur le contenu des médias.