Pour la défense d’Isabelle Cottenceau, contre les procès en journalisme
Organisation :
Le 12 mai 2009, Reporters sans frontières a appris avec «soulagement » que la journaliste Isabelle Cottenceau a été relaxée par le tribunal de Toulouse. En mars dernier, six mois de prison avec sursis et plusieurs milliers d’euros d’amende avaient été requis contre la journaliste. Isabelle Cottenceau était poursuivie pour “complicité de violences en réunion et avec armes” (article 222-13 du code pénal), des faits qui relèvent du droit pénal et non d’une affaire de presse. C’est pourtant bien ce dont il s‘agit.
« La relaxe d’Isabelle Cottenceau est une décision de bon sens et un soulagement. Toutefois, elle ne doit pas faire oublier que la journaliste n’aurait jamais dû être jugée pour n’avoir fait que son travail. La France doit veiller plus activement à la défense de la liberté de la presse », a déclaré Reporters sans frontières.
Qu’est-il reproché à Isabelle Cottenceau ? D’avoir filmé un jeune homme se préparant et se livrant à une pratique dite de “suspension”, au cours d’un documentaire intitulé “Tatouages, piercings : ils jouent avec leur peau”. Cette pratique, consistant à se faire suspendre par des points d’ancrage à même le corps, n’est pas visible dans le film de 28 minutes diffusé dans l’émission “Zone interdite” de la chaîne M6, le 8 octobre 2006. Ceci n’est pas un hasard mais le résultat d’un choix éditorial, les images ayant été coupées au montage.
Pourtant, en octobre 2007, le parquet de Toulouse a mis en examen Isabelle Cottenceau, en sa qualité de journaliste, pour “complicité de violences volontaires n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail, commises avec usage ou menaces d’armes (crochets) et en réunion”. En juin 2007, le t ribunal de grande instance (TGI) de Toulouse a confirmé cette décision.
Ces poursuites appellent plusieurs questions et remarques.
Le ministère public a soutenu que la journaliste était l’instigatrice de la suspension pratiquée dans le documentaire. Si tel est bien le cas, pourquoi alors cette scène a-t-elle été coupée au montage ? La journaliste a pris le soin d’interroger la mère du jeune homme, mineur au moment des faits, sur les raisons de l’autorisation donnée par cette dernière. Pourquoi Isabelle Cottenceau a-t-elle, à plusieurs reprises, insisté sur les mises en garde médicales face à ces pratiques de modifications corporelles ? Pourquoi les requêtes de la défense, de voir l’autorisation manuscrite de la mère du jeune homme portée au dossier, sont-elles restées lettre mortes ? La date y figurant indique pourtant que la décision du jeune homme est antérieure à la venue de la journaliste. Pourquoi sa mère n’a-t-elle pas été entendue lors de l’audience à ce sujet ?
Ces poursuites créent un dangereux précédent. Comment les journalistes audiovisuels doivent-ils traiter de thématiques se trouvant à la lisière de la légalité ? A fortiori, comment peuvent-ils informer le public sur des faits parfois illégaux ? En effet, si l’on adhère à la démarche du parquet, alors les professionnels des médias qui publient ou diffusent une information sur la consommation de stupéfiants, la prostitution, ou l’immigration clandestine, peuvent être considérés eux-mêmes comme des délinquants.
La mission des journalistes est de porter à la connaissance du public des informations recueillies dans l’exercice de leur travail. Les limites s’appliquant à cet exercice sont celles prévues par la loi, et notamment la loi sur la presse de juillet 1881. Un professionnel de la presse ne saurait être tenu pour complice ou responsable dès lors qu’il assiste à des actes illégaux dans le cadre d’une enquête professionnelle.
Publié le
Updated on
20.01.2016