RSF et 110 organisations demandent au gouvernement de garantir la protection des sources journalistiques

Alors que la journaliste Ariane Lavrilleux est convoquée au tribunal de Paris ce 17 janvier, Reporters sans frontières (RSF), le média Disclose, le Fonds pour une presse libre (FPL), Sherpa et le Syndicat national des journalistes adressent une lettre commune au Premier ministre, François Bayrou à Rachida Dati, ministre de la Culture, à Bruno Retailleau ministre de l’Intérieur, à Gérald Darmanin, ministre de la Justice et à Sébastien Lecornu, ministre des Armées. Afin de garantir le secret des sources journalistiques, nous leur adressons cinq recommandations. 

"La convocation d'Ariane Lavrilleux le 17 janvier vient rappeler l'importance de revoir la loi Dati sur le secret des sources, avec l'intention de préciser et donc restreindre la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public et son usage. L'affaire Lavrilleux n'est pas isolée, la question n'est pas théorique : la DGSI a convoqué ou gardé à vue 27 journalistes au cours des 15 années passées et la volonté d'introduire une exception de sécurité nationale dans la législation européenne sur la liberté des médias montre qu'il est important de contenir ces pratiques et d'en limiter le champ. La convergence de points de vue entre organisations, la recommandation des États généraux de l'information doivent inviter le gouvernement à agir.

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

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Ce 17 janvier 2025, la journaliste Ariane Lavrilleux est convoquée au tribunal de Paris. Elle pourrait être mise en examen en raison de sa contribution à des articles sur une opération militaire française secrète en Égypte que ce pays aurait détournée pour cibler et tuer des civils. Cette convocation de la journaliste de Disclose intervient après qu’elle a fait l’objet, à l’initiative de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de mesures de filature, de géolocalisation, de surveillance de ses activités professionnelles et privées ainsi que d’une perquisition à son domicile et d’un placement en garde à vue durant 39 heures.

À l’approche de cette échéance,  RSF, Disclose, le FPL, Sherpa et le SNJ formulent 5 recommandations visant à fortifier le cadre légal protégeant le secret des sources en France, essentiel pour la liberté de la presse et le droit à l'information : 

1. Restriction de la levée du secret des sources : Il est impératif de restreindre les conditions de levée du secret des sources en définissant clairement les situations qui justifient cette exception, notamment la prévention et la répression de crimes et délits d'une gravité particulière. Cette précision limitera l'utilisation abusive de la notion d'“impératif prépondérant d'intérêt public”.

2. Contrôle judiciaire des actes d'investigation : Afin de protéger le secret des sources, tout acte d'investigation affectant potentiellement ce secret, tel que les perquisitions ou les géolocalisations, devrait requérir une autorisation préalable d'un juge indépendant.

3. Extension du champ d'application du secret des sources : Le secret des sources ne doit pas être limité aux seuls journalistes traditionnels mais également étendu à d'autres acteurs tels que les collaborateurs de média, les auteurs d'ouvrages d'investigation et les réalisateurs de documentaires. Cette extension est nécessaire pour assurer une protection efficace contre les atteintes provenant tant des autorités judiciaires que des autorités administratives.

4. Création d'une voie de recours en cas de violation : Il est crucial de permettre aux journalistes, non impliqués directement dans des enquêtes où leurs sources sont révélées, de demander la nullité des actes d'investigation qui ont violé le secret des sources. Cette mesure garantira une protection juridique adéquate face à des violations potentielles.

5. Instauration d'un délit d'atteinte au secret des sources : Face à la faiblesse des sanctions actuelles, la création d'un délit spécifique réprimant l'atteinte au secret des sources, calquée sur la protection du secret professionnel des avocats et médecins, est nécessaire. Cette mesure dissuadera efficacement les atteintes au secret des sources et comblera les lacunes juridiques actuelles.

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