Nouvelle menace pour le secret des sources en France : RSF déplore l’exploitation injustifiée des équipements du journaliste Philippe Miller

Après une garde à vue abusive sans qu’aucune poursuite ne soit engagée, le journaliste Philippe Miller subit une atteinte grave à ses droits : ses équipements professionnels sont exploités, bafouant le principe fondamental du secret des sources. À la veille de la comparution d’Ariane Lavrilleux devant le tribunal de Paris, Reporters sans frontières (RSF) tire la sonnette d’alarme sur un nouveau précédent inquiétant. Cette attaque contre une pierre angulaire de la liberté de la presse souligne une fois de plus les failles criantes de la législation française en matière de protection des journalistes.

Ce 17 janvier, le journaliste Philippe Miller interviendra lors du rassemblement en soutien à la journaliste Ariane Lavrilleux, qui comparaît devant un juge d'instruction en vue d'une possible mise en examen pour “appropriation et divulgation d'un secret de la défense nationale”. Lui aussi, son droit au secret des sources a été bafoué : son ordinateur, son téléphone, et un carnet de notes sont actuellement en cours d’exploitation par un expert judiciaire, en vue d’un rapport qui sera rendu en mars dans le cadre d’une affaire pénale à laquelle le journaliste n’est même pas partie. Malgré l’appel de RSF, le juge a décidé, le 19 décembre, d’exploiter le matériel du journaliste, saisi lors d’une intervention musclée et disproportionnée.

“Même dans le cadre d’une enquête pénale, les autorités sont tenues au respect de l’équilibre entre les besoins de l’enquête et les protections accordées aux journalistes et à leurs sources. Le cas de Philippe Miller crée un précédent inquiétant pour le secret des sources en France. Cette affaire, comme celle d’Ariane Lavrilleux, met en lumière l’urgente nécessité d’une réforme de la loi du 4 janvier 2010, qui protège insuffisamment  l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse.

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

À l’origine de cette affaire se trouve une plainte du cabinet d’avocats Ziegler pour vol de données confidentielles, recel de vol et violation du secret professionnel déposée après la publication par Philippe Miller d’un article dans le média en ligne Warning Trading. Intitulée “Jocelyn Ziegler : les étranges méthodes d’un avocat influenceur”, l’enquête remet en cause les pratiques de ce cabinet parisien.

Alors qu’il rencontrait une personne supposée être une source, Philippe Miller avait été interpellé par une dizaine de policiers dans un restaurant parisien. S’en sont suivi près de 48 heures de garde à vue, la plus longue privation de liberté arbitraire d’un journaliste dans le cadre de l'exercice de ses fonctions en France ces dernières années. Le juge des libertés et de la détention avait autorisé l’exploitation des équipements professionnels du journaliste malgré le fait qu’il ne soit pas mis en cause. Il avait alors statué en faveur du versement de ses notes manuscrites à la procédure et la fouille de son ordinateur, ainsi que de son téléphone par un expert judiciaire, une décision qui se justifierait, selon le juge des libertés et de la détention, par la supposée prépondérance du secret professionnel de l’avocat sur le secret des sources journalistiques.

Appel à une réforme pour une meilleure protection des sources

Avec ses partenaires, RSF a détaillé, le 13 janvier dernier, cinq axes de réforme pour une meilleure protection du secret des sources dans une lettre ouverte à la ministre de la Culture, Rachida Dati :  

  • Restriction de la levée du secret des sources ;
  • Contrôle judiciaire des actes d'investigation ;
  • Extension du champ d'application du secret des sources ;
  • Création d'une voie de recours en cas de violation ;
  • Instauration d'un délit d'atteinte au secret des sources. 
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