Pakistan : RSF condamne le féminicide de la journaliste Arooj Iqbal
Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités provinciales du Pendjab de s’assurer que l'auteur présumé du meurtre de cette reporter, qui s'avère être son ex-mari, soit traduit devant une cour pénale pour répondre de ses faits.
Elle a été assassinée parce qu’elle refusait d’abandonner son métier… La journaliste de 27 ans Arooj Iqbal a été abattue le 24 novembre dernier, devant son domicile de Lahore, la capitale de la province du Pendjab, dans l’est du Pakistan. Une balle s’est logée dans sa tête. Elle est morte sur le coup. L’auteur présumé du meurtre n’est autre que son ex-mari, Dilawar Ali, lui-même propriétaire du journal local Anticrime, auquel Arooj Iqbal avait collaboré par le passé.
“Il voulait qu’elle abandonne l’idée de lancer son propre journal”, explique le frère de la victime, Yasir Iqbal. Interrogé par RSF, il a confirmé que la journaliste avait récemment porté plainte suite à des menaces de mort proférées par son ex-époux, lequel exigeait d’elle qu’elle renonce à sa carrière de reporter. Toujours selon son frère, elle prévoyait de lancer une publication locale, intitulée Choice.
L’assassin présumé a réussi à obtenir un placement en liberté provisoire, ce que le frère de la victime doit contester devant le tribunal ce samedi 14 décembre.
“Nous appelons les autorités policières et judiciaires du Pendjab à tout faire pour que ce crime odieux ne reste pas impuni, déclare Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Ce féminicide est une illustration accablante de la condition des femmes journalistes au Pakistan, qui doivent faire preuve d’un immense courage pour exercer leur métier librement, en dépit des lourdes et persistantes pressions du patriarcat ambiant.”
“Environnement de peurs”
Selon un rapport publié en 2018 par le partenaire de RSF au Pakistan, Freedom Network, la part des femmes journalistes au sein de la profession ne dépasserait pas 5%. Entre autres difficultés, elles doivent faire face à de nombreuses discriminations : salaires plus faibles, cantonnement aux sujets dits “féminins”, harcèlement moral ou sexuel, pressions familiales pour les dissuader de travailler dans un milieu dominé par les hommes…
“Les femmes reporters travaillent dans un environnement de peurs, résume auprès de RSF Asma Shirazi, lauréate, en 2014, du prix Peter-Mackler pour un journalisme éthique et courageux. Nous sommes harcelées à chaque étape, à chaque moment”, poursuit celle qui est devenue la première correspondante de guerre de son pays, d’abord au Liban, puis sur la frontière afghano-pakistanaise.
“Quand j’exerçais mon métier alors que je n'étais pas mariée, les membres de ma famille était très inquiets, poursuit-elle. Et, si j’étais menacée d’une manière ou d’une autre, plutôt que de tenter de me protéger, on me demandait de quitter le journalisme.”
Le Pakistan se situe à la 142e position sur 180 pays dans l’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF.