Disparition forcée des frères du journaliste Ahmad Noorani après son enquête sur le népotisme du chef de l’armée au Pakistan : RSF demande leur libération immédiate

Le 19 mars à Islamabad, une vingtaine d’hommes armés ont enlevé les deux frères du journaliste en exil Ahmad Noorani, peu après la publication de son enquête sur le népotisme du chef de l’armée pakistanaise. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ce qui apparaît comme des représailles odieuses et demande aux autorités de faire toute la lumière sur le sort des frères du journaliste et de garantir leur libération immédiate.
Le 19 mars à 1 heure du matin, une vingtaine d’hommes armés se présentant comme des policiers ont mené une descente dans la maison familiale à Islamabad du journaliste d’investigation pakistanais Ahmad Noorani, fondateur du site d’investigation Fact Focus, qui vit en exil aux États-Unis. Selon le journaliste, “tous étaient masqués et en tenue civile, à l'exception de trois ou quatre individus qui portaient des uniformes similaires à ceux des commandos de l'armée”. Ceux-ci ont confisqué tous les téléphones et supprimé les images prises par la famille, puis ont emmené de force les deux frères, ingénieurs, d’Ahmad Noorani dans un lieu inconnu. Leurs proches sont sans nouvelle d’eux depuis. Selon les informations de RSF, la police locale a nié être à l’origine de cet enlèvement.
La veille, Ahmad Noorani avait publié sur son site une enquête sur le chef d'état-major de l'armée, le général Asim Munir, révélant la nomination de certains de ses proches à des postes de haut niveau sans qualifications adéquates. La sœur du journaliste, également présente lors de l’enlèvement de ses frère, affirme que les ravisseurs lui ont déclaré “qu'ils devaient savoir pourquoi cela se produisait”.
“La disparition forcée des frères d’Ahmad Noorani, qui apparaît clairement comme un ciblage punitif dans le but d’intimider le journaliste et de le réduire au silence, est intolérable. Elle s’inscrit dans un contexte général de répression des voix critiques au Pakistan. RSF demande aux autorités de faire toute la lumière sur le sort des deux frères du journaliste, de garantir leur libération immédiate et de traduire en justice les responsables de cet acte odieux.
Ahmad Noorani affirme que les ravisseurs seraient des agents des services de renseignement. L’avocate de la famille, Imaan Mazari, contactée par RSF, estime, elle aussi, que “le mode opératoire de cet enlèvement désigne les agences de renseignement comme étant les auteurs”.
La mère du journaliste a déposé un recours auprès de la haute cour d'Islamabad, le 19 mars, pour obtenir la libération de ses deux fils. Son avocate dénonce des retards injustifiés dans la procédure : aucun premier procès-verbal n’a encore été enregistré trois jours après le dépôt de la plainte et la requête en habeas corpus – qui garantit à une personne arrêtée une présentation rapide devant un juge –, dont une première audience s’est tenue aujourd’hui, a été repoussée au 24 mars, dans l’attente d’une “réponse écrite de la police”.
Le journaliste Ahmad Noorani dans le viseur
En exil aux États-Unis depuis cinq ans, Ahmad Noorani a été visé à plusieurs reprises par des procédures judiciaires en raison de son activité journalistique. Récemment il a été ciblé par l’Agence fédérale d’investigation (FIA) le 13 mars, en vertu de la loi controversée sur la prévention des crimes électroniques (PECA), pour diffusion d'informations “fausses” et “trompeuses”, après ses tweets postés sur X au sujet de l’attaque d’un train au Baloutchistan. Par ailleurs, son site d’enquête Fact Focus, connu pour ses enquêtes sur la corruption de dignitaires de l’armée et d’hommes politiques, est bloqué par les autorités au Pakistan.