Pakistan : au lieu de réviser une loi qui censure les voix critiques sur Internet, le gouvernement Sharif resserre l’étau

Les amendements à la loi “PECA”, récemment entrés en vigueur, viennent encore aggraver la menace que cette législation faisait déjà peser sur les journalistes au Pakistan : définition floue des “fausses informations”, création d’une autorité de régulation soumise au gouvernement et peine de trois ans de prison pour la diffusion de contenus “faux” ou “interdits”... Reporters sans frontières (RSF) exhorte une nouvelle fois les autorités à abroger ce texte et ses amendements, qui, sous couvert de lutte contre la désinformation, servent en réalité à étouffer la liberté de la presse et à renforcer la censure au Pakistan.

Adoptée en 2016, la loi pakistanaise controversée sur la prévention des crimes électroniques, communément appelée PECA (Prevention of Electronic Crimes Act) a déjà été utilisée pour arrêter des dizaines de journalistes critiques. Elle est désormais renforcée dans son rôle répressif.

Les nouveaux amendements, adoptés en moins de 15 minutes par l’Assemblée nationale le 23 janvier, puis approuvés par le Sénat le 28 janvier, instaurent neuf nouvelles catégories de contenus en ligne jugés illégaux, dont certains au contour très vague. Leur diffusion est désormais passible d’une peine allant jusqu’à 3 ans de prison, le suspect pouvant être arrêté sans mandat. Toute personne, même non affectée directement, peut porter plainte en affirmant avoir des "raisons de croire" qu’une information est fausse. Une nouvelle autorité de régulation, succédant à l’Autorité pakistanaise des télécommunications (Pakistan Telecommunication Authority) et également inféodée au gouvernement, est chargée du traitement des plaintes et du blocage des contenus.

"Sous couvert de lutter contre la désinformation, le Pakistan franchit une nouvelle étape dans la censure. Derrière une définition floue des ‘contenus faux’ et interdits, se cache une arme redoutable pour verrouiller l’information. RSF demande l’abrogation immédiate de la loi PECA et des ses nouveaux amendements, qui sont un dangereux outil aux mains des autorités permettant de museler les voix critiques, et de contrôler l’information. Le droit d’informer et le pluralisme doivent être respectés.

Célia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

L’adoption de ces amendements a provoqué une levée de boucliers. À l’appel des principales organisations médiatiques du Pakistan, les journalistes ont observé une “journée noire” le 31 janvier. Pendant les manifestations qui ont eu lieu dans tout le pays, les journalistes portaient un brassard noir, en signe de protestation. Le Comité d'action conjointe (JAC), regroupant plusieurs organisations de journalistes, a dénoncé dans un communiqué le passage “à la hâte” de cette loi sans consultation des parties prenantes. À Islamabad, une large coalition de journalistes, d'avocats et d'organisations de la société civile s’est formée, à la suite d’une consultation organisée par la Commission des droits de l'homme du Pakistan (HRCP). Les recours en justice contre cette loi se sont également multipliés dans tout le pays.

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