Le retrait de Choc annulé, mais la photo devra être occultée. Une décision “regrettable”, selon Reporters sans frontières

Reporters sans frontières juge « regrettable » la décision de la cour d’appel de Paris, le 28 mai 2009, qui a annulé le retrait de la vente de l’édition du mois de mai du mensuel Choc, à la condition que la photo d’Ilan Halimi incriminée, figurant en une et à l’intérieur du magazine, soit occultée. En 2006, ce jeune homme de 23 ans avait été enlevé et torturé à mort pendant plus de trois semaines par le “gang des barbares”. Le 20 mai, le tribunal de grande instance de Paris avait ordonné le retrait du mensuel, une décision exécutée immédiatement. “Nous exprimons notre plus profond respect pour la douleur de la famille d’Ilan Halimi, et notre horreur face aux exactions dont ce jeune homme a été victime. Nous croyons néanmoins que la parution d’informations et de clichés relatifs à cette affaire, qui nous concerne tous en tant que citoyens, est de nature à éclairer la monstruosité de ce drame. C’est pourquoi, la décision de la justice nous semble inappropriée“, a déclaré Reporters sans frontières. “Le verdict d’aujourd’hui, qui se présente sous une forme certes plus édulcorée, ne change rien à la position exprimée par le ministère public, qui est qu’un document choquant ne doit pas être publié. En effet, la photo incriminée doit être occultée, non seulement en une, mais aussi dans les pages intérieures, où elle figure quatre fois”, a précisé l’organisation de défense de la liberté de la presse. “La décision de la cour d’appel est d’autant plus paradoxale que la mère d’Ilan Halimi avait protesté contre le huis clos du procès des responsables présumés de la mort de son fils, et que ce cliché a déjà été diffusé dans la presse en 2006, sans entraîner la moindre poursuite“, a poursuivi Reporters sans frontières. “Par ailleurs, le magazine a été pénalisé par le retrait de la vente appliquée dès la première instance. Les conditions pour que cette interdiction soit levée ne sont pas réalistes. Il est très improbable que les numéros soient rappelés, modifiés et remis en vente“, a poursuivi l’organisation. Richard Malka, l’avocat du mensuel, a déclaré qu’il allait se pourvoir en cassation, face à une décision qui « aboutit au même résultat que la décision de retrait. » Le 20 mai, le juge des référés du TGI, Philippe Jean-Draeher, saisi par la famille du jeune homme a ordonné l’interdiction de la vente du magazine, assigné en justice pour “atteinte à l’intimité de la vie privée”. L’’audience en appel s’est déroulée le 25 mai, et le verdict a été rendu public le 28 mai, à 14 heures. La cour d’appel a estimé que la photo d’Ilan Halimi est « indécente et porte atteinte à la dignité humaine » et qu’elle n’a « aucune vocation à être diffusée dans le public ». Toutefois, les magistrats ont jugé qu’il n’était pas nécessaire d’interdire le numéro dans sa totalité et ont conditionné la levée du retrait à l’occultation du cliché. La cour a également prévu une astreinte de cinquante euros pour chaque infraction à cette disposition. Sur le cliché incriminé, présenté comme le premier envoyé par ses ravisseurs, le jeune homme apparaît un pistolet sur la tempe, le visage recouvert de scotch d’emballage et les poignets liés. La famille d’Ilan Halimi, qui n’avait pas été consultée avant la publication de cette photo, a porté plainte. Le parquet a considéré que cette parution portait atteinte “au sentiment d’affliction et à la dignité de la personne”. Le rédacteur en chef de Choc, Paul Payan, avait justifié son choix de publier la photo par la volonté de démontrer que “dès le début, la barbarie (était là)”. Les avocats du magazine, Mes Richard Malka et Claire Chaillou, ont fait valoir que “si on interdit toutes les images de nature à heurter, on va sérieusement restreindre les possibilités d’information du public”. L’interdiction d’une publication est rarissime en France. L’un des précédents est celui du livre du docteur Claude Gubler, médecin de l’ancien Président de la République François Mitterrand, dont le livre « Le Grand secret » avait été interdit en janvier 1996. En 2004, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) avait condamné la France pour cette décision, considérée comme une violation de la liberté d’expression. Le procès du “gang des barbares” se déroule depuis le 29 avril à huis clos devant la cour d’assise des mineurs de Paris. Le principal accusé et chef du gang, Youssouf Fofana, avait désigné Ilan Halimi comme victime parce que ce dernier était juif, et qu’il considérait qu’il “devait être riche”. Youssouf Fofana a récemment récusé l’une de ses avocates, au motif qu’elle serait d’origine juive.
Publié le
Updated on 20.01.2016