L'avocat de Sami Al-Haj se confie à Reporters sans frontières : l'organisation demande une nouvelle fois la libération du journaliste détenu à Guantanamo
Soupçonné sans preuve d'être un « ennemi combattant » des Etats-Unis, Sami Al-Haj (photo), de la chaîne qatarie Al-Jazira, est détenu depuis le 13 juin 2002 à la base militaire de Guantanamo. Reporters sans frontières a pu recueillir de nouvelles informations le concernant auprès de son avocat, Clive Stafford-Smith, et demande sa libération.
Reporters sans frontières est inquiète du sort infligé à Sami Al-Haj, assistant cameraman soudanais de la chaîne Al-Jazira, arrêté par les forces armées pakistanaises à la frontière afghane en décembre 2001, et détenu depuis le 13 juin 2002 par l'armée américaine à la base de Guantanamo (Cuba). L'organisation a recueilli de nouvelles informations à son sujet par l'intermédiaire de son conseil, l'avocat londonien Clive Stafford-Smith, et demande sa libération, en l'absence de charges précises.
“Outre le scandale juridique et humanitaire que représente la base de Guantanamo, la détention de Sami Al-Haj semble relever de l'acharnement contre la chaîne Al-Jazira. Sinon, comment expliquer que le journaliste soit retenu depuis quatre ans sans chef d'inculpation, quand d'autres prisonniers, dont des journalistes, ont été blanchis et relâchés du jour au lendemain ? D'autre part, d'après son avocat, Sami Al-Haj souffre d'un cancer et ne reçoit pas de traitement approprié. Son état est donc incompatible avec sa détention. Ne serait-ce qu'à titre humanitaire, les autorités américaines doivent le libérer”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 11 avril 2006, l'avocat de Sami Al-Haj, Clive Stafford-Smith, de retour de voyages à Guantanamo et au Qatar (où se trouve le siège d'Al-Jazira) a rencontré le représentant de Reporters sans frontières pour lui donner les dernières nouvelles concernant son client : “Sami Al-Haj est très déprimé. Pour la première fois, devant moi, il a même parlé de suicide. De plus, il doit toujours suivre un traitement pour son cancer de la gorge que les autorités américaines refusent de lui donner. Il souffre également du genou.”
Toujours selon ce dernier, Sami Al-Haj a été dernièrement transféré au Camp 4 de la base de Guantanamo pour “bonne conduite“. “Malheureusement, les conditions de détention restent lamentables“ et le séjour au Camp 4 pourrait être de courte durée. En effet, rapporte Clive Stafford-Smith, “il y aurait un plan pour transférer tous les prisonniers au Camp 6, une unité de sécurité maximale. Ce serait une catastrophe pour Sami car ce transfert signifierait la dégradation de ses conditions de détention. Ce transfert pourrait intervenir en septembre 2006“.
Au chapitre des charges retenues contre le journaliste, son défenseur n'est pas plus informé et attend toujours une réponse de l'Administrative Review Board (l'ARB), l'autorité chargée de réexaminer chaque année le dossier des détenus de Guantanamo et de déterminer, en première instance, s'ils représentent “une menace pour la sécurité des Etats-Unis“. “La situation est insensée car l'ARB, qui n'a aucune compétence juridique réelle, adapte ses accusations au coup par coup, sans preuve“, a souligné Clive Stafford-Smith. En mars 2005, le Combat Status Review Tribunal (juridiction supérieure à l'ARB) avait considéré Sami Al-Haj comme un “ennemi combattant“ aux motifs qu'il aurait dirigé un site Internet soutenant le terrorisme, qu'il se serait livré au trafic d'armes, qu'il serait entré illégalement en Afghanistan en octobre 2001 au moment des frappes américaines et qu'il aurait interviewé Oussama Ben Laden. Des arguments réfutés par Al-Jazira (cf. notre rapport Camp Bucca et Guantanamo : Quand l'Amérique emprisonne des journalistes). Par ailleurs, selon des révélations faites par le quotidien britannique The Guardian, le 26 septembre 2005, Sami Al-Haj aurait reçu des autorités américaines la promesse d'une libération et l'octroi d'un passeport américain s'il consentait à espionner sa propre chaîne pour le compte de Washington.
Malgré une enquête officiellement ouverte par la Chambre des représentants sur le fonctionnement de Guantanamo et malgré l'autorisation accordée aux prisonniers par la Cour suprême, en juin 2004, de formuler une demande d'habeas corpus pour contester la légalité de leur détention devant un tribunal, l'opacité reste la règle, selon Clive Stafford-Smith : “Aucun protocole, aucune convention de suivi ne régit la relation entre l'accusé et son avocat. Guantanamo est une zone de non-droit, soumise au bon vouloir des autorités américaines.“