Des déclarations choquantes du secrétaire général de l'Elysée au sujet des journalistes français enlevés en Afghanistan

Reporters sans frontières réagit vivement aux déclarations de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, sur Europe 1, le 17 janvier 2010, concernant les deux journalistes français enlevés en Afghanistan le mois dernier. « Nous sommes choqués par les propos tenus, il y a une dizaine de jours par Nicolas Sarkozy, et confirmés aujourd'hui par Claude Guéant, son secrétaire général. Dans cette affaire, on a le sentiment que le pouvoir exécutif s'évertue à faire passer les deux journalistes pour des irresponsables. Désigner les journalistes comme des hommes qui prennent des risques inconsidérés et qui reviennent cher à l'armée et aux contribuables, érode le soutien dont ils devraient bénéficier. Insister sur le coût des actions engagées pour retrouver et libérer les deux journalistes est indécent et irrespectueux pour leurs familles », ont déclaré Dominique Gerbaud, président de la section française de Reporters sans frontières, et Jean-François Julliard, secrétaire général de l'organisation. Dès demain matin, nous solliciterons un rendez-vous officiel à l'Elysée pour évoquer cette affaire et rappeler la nécessité que les journalistes continuent de se rendre dans les zones de guerre. Il est bon de rappeler que les deux journalistes étaient sur place pour informer en toute indépendance, pour que le monde sache ce qui se passe en Afghanistan. Qu'il sache que l'armée française tente de sécuriser une région pour que l'on puisse y construire des infrastructures utiles à la population. S'il n'y avait pas eu l'enlèvement de nos confrères, il y a fort à parier que les autorités françaises auraient salué ce reportage comme une démarche positive. Le métier de journaliste ne se résume pas à recopier les communiqués de presse de l'Armée ou de l'Elysée. A la question de savoir s'ils ont pris des risques, la réponse est oui, bien évidemment. Tous les journalistes qui posent le pied en Afghanistan prennent un risque. C'est un pays extrêmement dangereux. Tous les jours, des centaines de journalistes prennent des risques. Comme en ce moment en Haïti. Les deux reporters de France 3 menaient un travail d'intérêt général. Exactement comme ceux qui sont au milieu des gravats de Port-au-Prince. » Claude Guéant a reconnu dans l'émission d'Europe 1 que cet enlèvement avait suscité la colère du président Nicolas Sarkozy qui a dénoncé à leur propos une "imprudence vraiment coupable", évoquant le fait que "il leur avait été très clairement demandé de ne pas s'aventurer ainsi parce qu'il y a des risques". "Ils font courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées, qui du reste sont détournées de leurs missions principales. » a-t-il ajouté. Refusant de répondre en détail à une question sur la rançon, il conclut néanmoins que "cela a évidemment un coût tout à fait considérable, je me souviens que quelques jours seulement après leur disparition on évaluait déjà ce coût à un million d'euros". Deux reporters de France 3, un rédacteur et son cameraman, et leurs deux accompagnateurs afghans, ont été enlevés le 29 décembre 2009. Ils enquêtaient sur la construction d’une route dans la province de Kapisa (au nord-est de Kaboul). Leur chauffeur a été libéré, mais il serait détenu par l’armée afghane, soupçonné d’être un complice des ravisseurs.
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Updated on 20.01.2016