Singapour

Depuis 2020, Singapour se situe dans la « zone noire » du Classement mondial de la liberté de la presse, à savoir une « situation très grave ». Sous ses atours de « Suisse de l’Asie », pour reprendre l’expression chère à la propagande des autorités, la Cité-État n’a au final que peu de choses à envier au contre-modèle chinois quand il s’agit de répression de la liberté de la presse. Le gouvernement du Premier ministre Lee Hsien Loong est toujours prompt à poursuivre en justice ses détracteurs, à faire pression pour les rendre inemployables, allant même jusqu’à les contraindre à quitter le pays. L’Autorité de développement des médias (MDA) a le pouvoir de censurer tout type de contenu journalistique. Les poursuites pour diffamation sont monnaie courante et peuvent être accompagnées d'accusations de « sédition », un crime passible d'une peine cumulée de sept ans de prison. Ce super contrôle politique se double d’un carcan économique. Deux grands groupes détiennent l’ensemble la presse papier, radio et audiovisuelle singapourienne : le premier, MediaCorp, est détenu par une société d’investissement étatique ; le second, la Singapore Press Holdings, est officiellement de droit privé - mais ses dirigeants sont désignés par le gouvernement. Résultat, l’autocensure est généralisée, y compris au sein des médias alternatifs indépendants, intimidés par les pressions judiciaires et économiques exercées par les autorités. La fameuse ligne rouge – que les journalistes surnomment « OB Markers » (« Out of Bounds Markers », marqueurs hors limites) – restreint de façon toujours plus draconienne la couverture journalistique de nombreux sujets et personnages publics. Depuis 2015, les autorités singapouriennes ont également pris l’habitude de faire pression sur plusieurs blogueurs par des courriers les enjoignant à retirer les articles qui fâchent et à rentrer dans le rang, brandissant la menace de peines de prison qui peuvent aller jusqu'à 20 ans de réclusion. Enfin, la loi « anti-fake news », un texte orwellien adopté en 2019, oblige tout média ou plateforme à apporter des « corrections » à toute information que le gouvernement trouverait « incorrecte » – et ce de façon parfaitement arbitraire. Ce bureau de la censure version 2.0 a permis au gouvernement d’imposer aux médias sa propre version de la vérité sur des sujets aussi divers que la peine de mort, le salaire de la femme du Premier Ministre ou la gestion de la Covid-19.