La ligue au pouvoir au Bangladesh tente d'étouffer sa responsabilité dans la mort d'un journaliste

Reporters sans frontières (RSF) accuse la ligue Awami, la coalition politique au pouvoir, de tenter de masquer sa responsabilité dans la mort de Abdul Hakim Shimul, le correspondant local du quotidien Samakal, abattu par un de ses membres alors qu’il couvrait des émeutes dans le nord-ouest du pays.

Le 2 février 2017, Abdul Hakim Shimul s’est rendu dans le district de Sirajganj (nord-ouest de la capitale) pour couvrir des échauffourées entre partisans politiques de la ligue Awami qui protestaient contre le maire de la municipalité de Shahzadpur, Halimul Haque Miru. Les autorités n’ont pas encore établi les circonstances précises de la mort du journaliste, ni le caractère intentionnel de l’homicide, mais selon un policier, présent au moment des faits, “le maire a ouvert le feu, ignorant mes appels répétés. Seul le maire a tiré, personne d’autre (n’a ouvert le feu). Il a tiré à plusieurs reprises”. Le journaliste a été touché à la tête avant d’être emmené à l'hôpital où il a succombé à sa blessure le lendemain.


Au lendemain de la mort d’Abdul Hakim Shimul, son épouse a porté plainte contre le maire, son frère et seize autres partisans de la ligue Awami, ainsi qu’une vingtaine d’autres personnes non identifiées. Le 5 février, le maire a été arrêté par la police de Sirajganj tandis que la branche locale de la ligue Awami recommandait la révocation de son poste de secrétaire local du parti. Parallèlement, le ministre de la Santé et de la famille, Mohammad Nasim a annoncé que la veuve du journaliste s’était vu offert un emploi au sein d’Essential Drugs Company Limited, une compagnie pharmaceutique détenue à 100% par l’Etat.


Nous prenons note de l’arrestation du maire Shahzadpur par les autorités et demandons que l’auteur de ce crime soit traduit en Justice, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Au vu du nombre de violences auxquelles elle est associée, nous demandons que la question de la responsabilité pénale de la ligue Awami soit véritablement posée.


Quant aux récentes réactions politiques, elles sont inacceptables. Non contents de s’abstenir de toute condamnation vigoureuse des violences de leurs partisans, les hauts responsables de la ligue Awami essayent désormais d’enterrer l’affaire et museler l’épouse du journaliste qui a porté plainte contre plusieurs officiels du parti. Nous recommandons à l’épouse du journaliste de ne pas accepter cette proposition qui vise en réalité à acheter son silence. Nous lui conseillons au contraire de porter plainte contre la Ligue Awami elle-même et contre le Premier ministre Sheikh Hasina et le secrétaire général de la coalition, Obaidul Quader, ultimes responsables de la ligue Awami”.


Les violences des partisans et des partis politiques, et en particulier la ligue au pouvoir, se maintiennent à un niveau très élevé dans le pays. En 2013, le Conseil des éditeurs du Bangladesh avait déjà fait part de son inquiétude de ces attaques à répétition, et avait appelé les partis politiques à empêcher leurs militants de s’en prendre aux professionnels des médias. Le gouvernement du Premier ministre Sheikh Hasina démontre régulièrement son hostilité à l’égard des médias critiques et ceux mettant en lumières ses manquements. En février 2016, RSF avait dénoncé le harcèlement du Premier ministre Sheikh Hasina à l’encontre du rédacteur en chef du Daily Star Mahfuz Anam.


Le Bangladesh se situe à la 144ème position sur 180 dans le Classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2016.

Publié le
Mise à jour le 07.02.2017