Élections générales au Bangladesh : RSF dénonce des entraves violentes contre les journalistes par des partisans du parti politique réélu
Au moins une douzaine de journalistes ont été agressés, et expulsés ou interdits d’entrée dans des bureaux de vote lors des élections générales du 7 janvier. Les agresseurs étaient principalement des partisans de la Ligue Awami, le parti au pouvoir au Bangladesh, officiellement réélu. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des violences inacceptables.
“Les élections générales au Bangladesh ont été entachées de violences inadmissibles contre des journalistes. Des partisans du parti au pouvoir s’en sont pris aux reporters qui documentaient des cas de fraude électorale. RSF demande aux autorités compétentes de lancer une enquête indépendante pour que les responsables répondent de leurs actes devant la justice. De plus, dans un contexte d’étouffement de la liberté de la presse, muselée par un pouvoir qui réprime toute critique, RSF exhorte le gouvernement, à l’occasion de ce nouveau mandat, à instaurer enfin des mesures fortes pour garantir le libre accès à Internet, pour protéger la liberté de la presse inscrite dans la constitution du Bangladesh, et la liberté d'expression - menacée par la nouvelle loi draconienne sur la cybersécurité (CSA). La mainmise toxique du pouvoir sur l’information doit cesser.
Une journée sous haute tension. Ce 7 janvier, plusieurs journalistes ont été attaqués, agressés, intimidés, interdits d'entrée ou expulsés des bureaux de vote lors des élections générales, boycottées par le principal parti d’opposition, le Bangladesh Nationalist Party (BNP). La majorité des agressions ont été le fait de partisans de la Ligue Awami, le parti au pouvoir, alors que les reporters tentaient de dénoncer des irrégularités et documentaient des cas de fraude.
Agressions physiques et verbales contre les journalistes
Pour cette raison trois journalistes d'un journal indépendant, le Daily Star, Arafat Rahaman, Dipan Nandy et Sirajul Islam Rubel, ont été enfermés par des hommes de main de la Ligue Awami dans un bureau de vote du lycée Segunbagicha, dans la capitale Dacca. Ils venaient constater la présence de “faux électeurs”. Les journalistes ont dû ensuite être secourus par la police.
Journaliste pour le quotidien Prothom Alo, Mosarraf Shah, s’est vu quant à lui arracher son téléphone portable par des partisans de la Ligue Awami. Ils ont effacé ses photos et vidéos prouvant des fraudes au lycée public pour garçons de Nasirabad transformé en bureau de vote à Chattogram.
Des partisans de ce même parti ont poursuivi et blessé – en lui lançant des briques – le journaliste de la chaîne privée Jamuna Television, Mohiuddin Modhu dans le quartier de Nawabganj à Dacca, alors qu'il observait une tentative de fraude dans un bureau de vote.
D’autres encore du même parti ont menacé et expulsé des bureaux de vote des journalistes dans les circonscriptions de Dhaka-8 et de Dhaka-12. C’est ce dont ont pu témoigner le correspondant principal du quotidien anglophone New Age, Muktadir Rashid, le photojournaliste Sourav Laskar et deux autres reporters du journal, Nasir Uz Zaman et Tanzil Rahaman, en reportage.
À Lalmonirhat, dans le nord du pays, le correspondant d'Ananda TV Abdur Rahim, et ses collègues Masud Babu et Minhaz ont été attaqués, leurs caméras ont été détériorées, alors qu'ils se rendaient au bureau de vote installé dans l'école primaire Purba Sardubi pour rendre compte de la séquestration du candidat indépendant Ataur Rahman par des partisans de la Ligue Awami.
Sites d’information bloqués et visas refusés aux journalistes étrangers
Autres graves entraves au droit d’informer, le site internet de l’un des principaux journaux bangladais critiques à l'égard du gouvernement, Daily Manab Zamin, a été bloqué samedi 6 janvier. Le journal a déclaré sur sa page Facebook que les problèmes d’accès à son site n'était pas de son ressort. Le reporter du journal, Tarique Choyon, indiquait sur X (anciennement Twitter) : “l'édition en ligne de notre journal "Daily Manab Zamin" est inaccessible dans de nombreuses régions du Bangladesh. Nous n’avons aucun problème technique.” Le site a été rendu à nouveau accessible dans la journée du 7 janvier.
Enfin, les autorités bangladaises ont refusé d'accorder des visas à des reporters de BBC News, du New York Times, de Bloomberg, de l'Agence France-Presse, de Reuters et d’Al Jazeera notamment, dans leurs pays respectifs. La plupart des journalistes étrangers ayant pu obtenir un visa étaient basés à New Delhi en Inde. Certains reporters étrangers se sont aussi vu demander de signer une déclaration stipulant que leurs images devaient être approuvées par les autorités avant d'être envoyées, et qu'elles ne porteraient pas atteinte à "l'image nationale".