25 fonds d'investissement et cabinets d'analyse financière s'engagent à surveiller l'activité des entreprises du secteur de l'Internet dans les pays répressifs

A l'initiative de Reporters sans frontières, 25 investisseurs nord-américains, australiens et européens qui gèrent 21 milliards de dollars d'actifs, ont présenté, le 7 novembre à New York, une déclaration commune dans laquelle ils affirment leur volonté de renforcer leur surveillance des entreprises du secteur Internet dont les activités commerciales ont des conséquences sur la libre circulation de l'information sur le Réseau.

A l'initiative de Reporters sans frontières, 25 fonds d'investissement nord-américains, australiens et européens, qui gèrent près de 21 milliards de dollars d'actifs, ont présenté lors d'une conférence de presse, le 7 novembre 2005 à New York, une déclaration commune dans laquelle ils affirment leur attachement à la liberté d'expression sur le Web. Ils s'engagent, entre autres, à surveiller l'activité des entreprises du secteur de l'Internet dans les pays répressifs. Ce texte vise en particulier les entreprises qui, comme Yahoo !, Cisco Systems et Microsoft, collaborent avec les autorités chinoises pour censurer ou surveiller le Réseau. Le texte de la déclaration et la liste des signataires :
Historique du projet : Reporters sans frontières a dénoncé à plusieurs reprises le fourvoiement éthique de certaines entreprises du secteur de l'Internet lorsqu'elles opèrent dans des pays répressifs. Déjà, en juillet 2002, l'organisation avait écrit à Yahoo ! pour lui demander de s'expliquer sur sa collaboration avec les services de la censure en Chine populaire. En effet, la société californienne accepte depuis plusieurs années de censurer la version chinoise de son moteur de recherche : une requête sur des mots tels que « Falungong » ou « droits de l'homme en Chine » affiche uniquement des contenus provenant de sources officielles. En décembre 2003, Reporters sans frontières avait également tenté d'entrer en contact avec Cisco Systems, Yahoo ! et Microsoft, dans l'espoir d'engager avec ces entreprises une réflexion sur les conséquences de leur activité sur le plan de la liberté d'expression. Ces courriers sont restés sans réponse. L'organisation a par conséquent recherché d'autres moyens de se faire entendre. Elle est entrée en contact avec des fonds d'investissement, c'est-à-dire avec les actionnaires réels ou potentiels de ces entreprises. Un fonds américain socialement responsable (fonds ISR), Boston Common Asset Management LLC, a accepté dès le départ de se saisir du problème, rejoint peu après par Domini Social Investment LLC. Ces deux sociétés d'investissement ont commencé par écrire au P-D.G de Cisco Systems, John Chambers, pour lui demander plus de transparence sur le type de matériel et sur les programmes de formation vendus à la Chine ces dix dernières années. De nombreux témoignages et documents tendent en effet à prouver que cette entreprise a fourni à la police chinoise des technologies permettant de surveiller les internautes et de censurer la Toile. Mais, là encore, cette demande est restée lettre morte. Boston Common et Domini ont alors décidé de rédiger une proposition d'actionnaires (shareholder resolution), un texte dans lequel ils réitèrent leur demande d'information concernant l'activité de l'entreprise dans les pays connus pour bafouer la liberté d'expression. Cette proposition sera votée par les actionnaires lors de la prochaine assemblée générale de Cisco Systems, le 15 novembre 2005. Reporters sans frontières a souhaité aller plus loin dans cette démarche en incitant d'autres investisseurs et analystes financiers à prendre position sur le sujet. L'organisation a donc rédigé, toujours en collaboration avec Boston Common et Domini, une « Déclaration commune sur la liberté d'expression et Internet ». Les signataires de ce document affirment ainsi que le respect de la liberté d'expression est un critère qu'ils prennent en compte pour déterminer leurs investissements. Ils ajoutent qu'ils vont renforcer leur travail de surveillance des entreprises du secteur de l'Internet dont les activités commerciales ont des conséquences sur la libre circulation de l'information sur le Réseau. Ils s'engagent enfin à soutenir les résolutions favorables à la liberté d'expression présentées lors des assemblées générales de ces sociétés. Ce texte a déjà été signé par 25 investisseurs, qui gèrent plus de 21 milliards de dollars d'actifs. Reporters sans frontières espère que d'autres fonds d'investissement vont se joindre à cette initiative, notamment des fonds traditionnels - c'est-à-dire des sociétés qui ne sont pas spécialisées dans l'investissement éthique. L'organisation déplore par ailleurs la frilosité des investisseurs socialement responsables européens : au 7 novembre, un seul fonds du vieux continent a accepté de signer la déclaration. Reporters sans frontières précise que cette déclaration ne vise pas uniquement Yahoo !, Microsoft et Cisco Systems. Certes, les récentes affaires « Shi Tao » - du nom du journaliste chinois condamné à dix ans de prison sur la base d'informations fournies par Yahoo ! - et « MSN Spaces » - l'outil de blog dont Microsoft a accepté de censurer la version chinoise - ont récemment frappé les esprits. Mais d'autres entreprises participent à la censure et à la surveillance du Net en Chine. Ainsi, Google a décidé, en juillet 2004, d'exclure toute publication « subversive » de son moteur de recherche d'actualité en chinois. Enfin, la portée de ce document va bien au-delà du cas chinois. Elle pourrait par exemple s'appliquer à Fortinet, l'entreprise qui a mis en place les filtres Internet de la junte birmane, ou Secure Computing, qui a fait de même en Tunisie. Plus d'informations sur la liberté d'expression sur Internet :
Publié le
Updated on 20.01.2016