Visite du pape à Cuba : attention à l’effet trompe-l’oeil
Quelques jours avant la venue du pape à Cuba du 18 au 22 septembre, La Havane a décrété l’amnistie de 3522 prisonniers. Un effet d’annonce qui ne doit pas faire oublier la situation catastrophique des dissidents et journalistes sur l’île.
Réelle volonté de changement politique ou simple opportunisme ? La question mérite en tout cas d’être posée. La décision des autorités cubaines d’amnistier 3522 prisonniers quelques jours avant la visite du Pape est en tout cas tombée à pic. Une annonce qui s’inscrit également dans un contexte de reprise des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, avec la venue il y a quelques semaines du secrétaire d’Etat américain John Kerry .
Pourtant à y regarder de plus près, difficile de voir derrière ces annonces médiatiques un assouplissement du régime, notamment en matière de liberté d’expression et d’information.
Parmi les prisonniers libérés ne figure aucun journaliste et blogueur. Yoeni de Jesús Guerra García et José Antonio Torres resteront donc derrière les barreaux.
“En 2015, le gouvernement cubain maintient toujours un monopole sur l’information et ne tolère aucun média indépendant, déclare Emmanuel Colombié, responsable du bureau Amérique latine de RSF. Le pape François, qui a prévu de rencontrer le président du Conseil d’Etat et du Conseil des ministres, ne saurait passer sous silence la question des droits de l’homme, particulièrement celle de la liberté de l’information. A l’heure où le régime castriste multiplie les effets d’annonce, il est grand temps que la répression à l’encontre des journalistes et blogueurs prenne fin.”
Ces derniers mois, la condition des journalistes s’est dégradée à Cuba. Ces derniers sont maintenus sous pression, victimes notamment d’arrestations arbitraires. Ainsi, des dizaines de journalistes couvrant les manifestations organisées par le mouvement d’opposition Las Damas de Blanco, chaque dimanche dans les rues de La Havane, ont été arrêtés et placés en détention provisoire, puis relâchés quelques heures plus tard.
Les médias “officiels” doivent être autorisés par le gouvernement et ceux qui n’ont pas reçu d’autorisation sont censurés et jugés illégaux. La presse indépendante est toujours muselée et plusieurs correspondants de l’agence Hablemos Press se sont vus récemment confisquer définitivement leur matériel professionnel. Des journalistes d’opposition et des blogueurs ont été invités par la police secrète à rester chez eux pendant le passage du pape François, sous peine d’être eux aussi envoyés en prison.
Cuba est classée 169ème sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières.