Cuba : escalade du harcèlement des journalistes en vertu de la nouvelle loi sur la communication sociale

Depuis un mois, les autorités cubaines – notamment les agents de la sécurité de l'État et la police nationale révolutionnaire – utilisent la nouvelle loi sur la communication sociale pour persécuter les journalistes qui refusent de s'aligner sur le discours du régime. Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement cette vague croissante d'intimidations, de détentions arbitraires et de harcèlement, et appelle la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement cubain pour qu'il respecte le travail des journalistes.

Depuis début octobre, au moins 11 journalistes ont été convoqués par la police nationale révolutionnaire, interrogés et forcés de démissionner de leurs postes, selon les informations de RSF. Plusieurs ont été accusés de "propagande contre le gouvernement" en vertu de la nouvelle loi sur la communication sociale – adoptée en 2023 et entrée en vigueur le 4 octobre – qui réglemente la communication en ligne et encourage la répression des voix dissidentes. Certains se sont vu confisquer leur équipement professionnel lors d'interrogatoires. Tous ont été menacés de peines d'emprisonnement ou de violences envers leurs familles s'ils poursuivaient leur travail. De nombreux interrogatoires ont été enregistrés et diffusés par les médias contrôlés par l'État, ce qui constitue une humiliation supplémentaire. La tactique du régime consistant à jeter le discrédit sur le public fait partie d'une stratégie plus large visant à supprimer la dissidence et à éliminer le journalisme indépendant.

"Les tactiques répressives du gouvernement cubain visant à réduire au silence les journalistes indépendants, déjà très inquiétantes, se sont aggravées avec la nouvelle loi sur la communication sociale. Le modèle systématique d'interrogatoires humiliants suivis de démissions publiques forcées fait partie de la tentative délibérée du régime de démanteler tout espace de liberté d'expression. RSF condamne ces actions qui sont des violations flagrantes de la liberté de la presse et des efforts calculés pour éliminer le journalisme indépendant à Cuba.

Artur Romeu
Directeur du Bureau Amérique Latine de RSF

Ces récents incidents de persécution se sont succédé rapidement. Le 3 octobre, les journalistes indépendantes Yennys Hernandez Molina et son épouse, Annery Rivera Velasco, ont toutes deux publié sur Facebook un communiqué dans lequel elles renoncent à "collaborer et/ou participer à tout média ou projet de nature indépendante et/ou considéré comme subversif ou contraire aux intérêts du gouvernement cubain", après avoir été interrogées par la police nationale révolutionnaire. Le lendemain, 4 octobre, la journaliste indépendante Maria Lucía Exposito a quant à elle été interrogée pendant plus de six heures par des agents de la sécurité d’État.  

Le 7 octobre, une série de journalistes ont été pris pour cible. Quatre directeurs de la presse écrite locale affiliés à l’Institut cubain pour la liberté d'expression et de la presse  (ICLEP) – Juan Manuel Moreno Borrego de Amanecer HabaneroOrlidia Barcelo Pérez de El EspirituanoMabel Paez Diaz de El Majadero de Artemisa, et Antonio Suarez Fonticine de Paginas Villarenas – ont tous été interrogés et menacés pour qu'ils cessent leurs activités journalistiques. De plus, la journaliste indépendante Yadira Alvarez Betancourt, qui avait déjà été interrogée et contrainte de démissionner, a été soumise à une humiliation supplémentaire lorsque la police nationale révolutionnaire l’a forcée à rétracter la même déclaration publique de démission alors qu'ils l’avaient obligée à publier.               

Le lendemain, 8 octobre, Lucy G. Morell, une photographe et documentariste travaillant avec le média à but non lucratif Periodismo de Barrio, a été convoquée et interrogée par des agents de la sécurité de l'État et contrainte à démissionner publiquement. Le 9 octobre, la journaliste indépendante Adriana Normand, qui travaille notamment pour les médias en ligne Hypermedia Magazine et El Toque, a été contrainte de démissionner. Quant à José Luis Tan Estrada – un journaliste indépendant de Camagüey, une ville dans le centre de Cuba, qui a travaillé pour le site d’information Cubanet entre autres –, il a été convoqué par la police nationale révolutionnaire, qui l'a menacé d'accusations en vertu de la loi sur la communication sociale. 

Depuis des années, Cuba reste l'un des pays les plus mal classés en Amérique latine dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF, en raison du contrôle exercé par le gouvernement sur tous les médias, par le biais de restrictions juridiques sévères et du harcèlement continue des journalistes.

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