Violences policières contre des journalistes: "une série noire inquiétante"

Reporters sans frontières est extrêmement préoccupée par une vague de violences policières à l'encontre de journalistes indiens au Cachemire, en Uttar Pradesh, au Karnataka et en Andhra Pradesh. En février seulement, l'organisation a recensé treize affaires d'abus et d'agressions émanant de membres des forces de l'ordre à l'encontre de professionnels des médias indiens. "Alors qu'un policer a récemment été suspendu pour avoir frappé une femme de la caste dalite dans la province de l'Uttar Pradesh, il serait bon que les agents des forces de l'ordre coupables des mêmes délits à l'encontre de journalistes soient sanctionnés. Les images de violences à l'encontre de cette femme avaient choqué une partie de l'opinion publique indienne. Nous appelons les autorités des Etats concernés et le gouvernement de New Delhi à enquêter sur ces brutalités inacceptables et les forces de l'ordre à la plus grande retenue. Au Cachemire notamment, il ne suffit plus pour les responsables de la police de promettre des enquêtes, mais de sanctionner les débordements", a affirmé l'organisation. Par ailleurs, Reporters sans frontières demande à la police de l'Uttar Pradesh de produire au plus vite des preuves matérielles pour justifier la détention de Seema et Vishwavijay Azad, fondateurs de la revue en hindi Dastak Nai Samay Ki, depuis le 6 février 2010. Ils ont été arrêtés par les forces de sécurité, sur la base d'accusations d'appartenance au mouvement maoïste interdit. "La police de l'Etat peut s'attaquer à tous ceux qui la critiquent. J'ai été informé que Seema écrivait notamment sur les commerces mafieux de terre et de sable", a déclaré l'intellectuel Sandeep Pandey, pour défendre le couple. Le 22 février, Imran Ali, photojournaliste du Kashmir Times, a été blessé par un tir de grenade lacrymogène par un policier lors d'une manifestation à Srinagar (Jammu et Cachemire, Nord-Ouest). Au cours de la même manifestation, S. Tariq, cameraman de la chaîne d'informations NDTV, et Umar Ganai, photographe de l'agence PTI et du Kashmir Monitor, ont également été battus. Les 14 et 15 février, au moins six reporters ont été frappés par des membres des commandos de police "Grey Hounds" lors de manifestations séparatistes sur le campus Osmania à Hyderabad (Andhra Pradesh, dans le sud de l'Inde). Parmi les victimes, Narsinga Rao de la chaîne Andhra Jyothi TV, a été violemment agressé par des policiers qui ont également endommagé des véhicules de presse. Le 13 février, un reporter local de Kannada Channel a été agressé et enfermé pendant deux heures dans une station de police à Mangalore, Karnataka (Sud-Ouest). Cette information a été démentie par le sous-inspecteur de police, Pramod. Selon ce dernier, le reporter aurait été détenu pour ses "comportements grossiers" et aurait été libéré quand son identité a été confirmée. Le 3 février, Pervez Majeed, correspondant du magazine Sahara à Srinagar, a été menacé et malmené par un officier de la Central Reserve Police Force (CRPF). Le journaliste, témoin de violences à l'encontre d'écoliers, a indiqué aux policiers qu'il comptait rapporter cet incident. Après avoir injurié Pervez Majeed, l'officier a demandé à ses hommes de lui "donner une leçon". Le journaliste s'est plaint de ce comportement auprès du chef de la police qui a promis une "enquête". Déjà, le 6 janvier, un policier avait ouvert le feu sur Amaan Farooq, photographe accrédité du quotidien Greater Kashmir, alors qu'il couvrait une opération policière à Srinagar. L'officier Safdar Samoon a blessé à la jambe le reporter à qui il reprochait de ne pas quitter les lieux d'un affrontement avec des séparatistes. Une enquête sur cet incident a été ordonnée par le chef de la police au Cachemire indien. Au Cachemire également, où ont lieu des manifestations importantes, le 5 février, les autorités judiciaires ont ordonné aux chaînes de télévision locales de ne pas diffuser de vidéos jugées "provocatrices" ou "antigouvernementales". Selon le juge Meraj Ahmad, cette autocensure est justifiée par l'article 6 de la loi sur la Régulation de la télévision par câble de 2005. Signe encourageant, la Commission nationale des droits de l'homme a ordonné, le 9 février, aux autorités de l'Uttar Pradesh de payer des compensations à Samiuddin, du journal en hindi Amar Ujala, qui avait été enlevé et menacé de mort par des policiers, en 2005. La Commission a déclaré que "ce cas n'est pas seulement un parfait exemple de la totale apathie mais également d'un antagonisme absolu envers le droit d'une personne dont la vie a été gravement mise en danger par les actes des autorités policières concernées". La police aurait harcelé ce journaliste suite à ses écrits sur la corruption d'officiels.
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Updated on 20.01.2016