Mukesh Chandrakar, tué pour un reportage dénonçant la corruption sur un chantier routier en Inde

Le corps du journaliste Mukesh Chandrakar, portant les marques de nombreux coups violents, a été retrouvé dans une fosse septique à Bijapur, dans le Chhatisgarh, le 3 janvier. Il venait de réaliser un reportage sur le mauvais état d’une route qui faisait l’objet d’un contrat de construction entre les autorités et un entrepreneur local, principal suspect retenu dans l’enquête de police. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités indiennes à traduire au plus vite en justice les responsables de ce crime odieux.

15 fractures au crâne, le cœur et le foie perforés et le cou brisé. Le corps fracassé du journaliste indépendant Mukesh Chandrakar, disparu deux jours plus tôt, a été retrouvé le 3 janvier dans une fosse septique, à Bijapur, dans l’État du Chhatisgarh, près de la maison du principal suspect retenu dans l’enquête de police, Suresh Chandrakar. Cet entrepreneur local, membre de la famille de Mukesh Chandrakar, avait remporté l’appel d’offre pour la construction d’une route au sujet de laquelle le journaliste de 32 ansavait réalisé un reportage une semaine plus tôt, avec son confrère Nilesh Tripathi de NDTV. Le lendemain de la diffusion du reportage par la chaîne de télévision nationale NDTV, le 25 décembre, une enquête officielle a été ouverte sur le contrat de construction de cette route, estimé à plusieurs millions d’euros.

En fuite pendant deux jours, Suresh Chandrakar a finalement été retrouvé et placé derrière les barreaux ce mardi 7 janvier. Trois autres suspects ont été arrêtés, dont les deux frères de l’entrepreneur, Ritesh et Dinesh Chandrakar.

 

“Les circonstances du meutre atroce de Mukesh Chandrakar laissent peu de doutes. C’est en représailles de son travail et pour le faire taire qu’il a été tué. Ce crime odieux ne doit pas rester impuni. RSF appelle les autorités indiennes à traduire en justice au plus vite l’ensemble des responsables de cet acte criminel et à garantir la sécurité des journalistes. Des mesures urgentes doivent être mises en place afin de les protéger, et en particulier ceux qui osent enquêter sur des sujets sensibles comme la corruption, souvent au péril de leur vie.

Célia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

Selon un communiqué de presse de la police du district de Bijapur, le motif du meurtre est on ne peut plus clair. Dans la nuit du 1er janvier 2025, Mukesh Chandrakar se serait rendu à un dîner “dans la propriété de Suresh Chandrakar dans le quartier de Chattan Para à Bijapur”, sur invitation de Ritesh Chandrakar. Une dispute aurait éclaté au sujet des “problèmes” que le journaliste causait à sa famille dans leur travail. Toujours selon la police, Ritesh Chandrakar et le superviseur de son frère Suresh auraient alors tué le journaliste à coups de barres de fer à la tête, au ventre, au dos et au torse. Ses agresseurs auraient ensuite jeté le corps dans une fosse septique, cimentée par le deuxième frère de l’entrepreneur.

Journaliste depuis plus de dix ans, Mukesh Chandrakar avait lancé sa propre chaîne YouTube, Bastar Junction, qui comptait plus de 170 000 d'abonnés, et couvrait des sujets sensibles, notamment la corruption. En décembre 2024, quelques semaines avant sa mort, il était en route pour la localité de Mutvendi, dans le district de Bijapur, pour enquêter sur la mort tragique d'un bébé de six mois, pris dans un échange de tirs l'année précédente, ainsi que sur les décès dus aux mines terrestres dans la région. C’est en chemin qu’il s’est aperçu du mauvais état d’une route récemment construite entre les villages de Ganglur et de Nelasnar, sujet du reportage qui aurait conduit à son meurtre. 

L’État du Chhattisgarh, un terrain d’enquête dangereux pour les journalistes indiens

En 2024, plusieurs autres journalistes ont été victimes de violences dans l'État du Chhattisgarh, situé dans l’est du pays. Quatre journalistes d’investigation, Bappi RayShivendu TrivediDharmendra Singh et Manish Singh, ont été suivis, harcelés, agressés physiquement, puis détenus sans preuve par la police locale pendant presque un mois, en août 2024. Ils sont toujours poursuivis pour “possession de cannabis”, alors même qu’un policier a été arrêté pour avoir falsifié les pièces utilisées contre ces professionnels des médias, qui enquêtaient sur la mafia du sable à la frontière entre les États du Chhattisgarh et de l’Andhra Pradesh.

L’Inde occupe la 159e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2024 par RSF.

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