Violence, arrestations et censure aux quatre coins du pays

Reporters sans frontières déplore une série de violences et d'actes de censure commis à l'encontre de professionnels de l'information dans plusieurs Etats du pays. Journalistes bastonnés et restrictions au Cachemire, directeur de publication arrêté au Tamil Nadu, attaques de chaînes de télévision à New Delhi et dans le Maharashtra, refus de visa pour un journaliste japonais, et mort d'un journaliste de l'Uttar Pradesh après un attentat. De même, le conflit entre les forces de sécurité et la guérilla maoïste n'épargne pas les journalistes qui, dans les Etats concernés, notamment au Chattisgarh, travaillent sous la menace des deux parties. Tous ces incidents mettent en péril la sécurité et la liberté des journalistes indiens. "Les multiples conflits politiques et sociaux en Inde ne peuvent pas à eux seuls justifier le niveau de violence et d'intolérance à l'encontre des médias du pays. D'autant plus que les gouvernements régionaux et les autorités de New Delhi portent une responsabilité dans bon nombre de ces violations de la liberté de la presse. Nous appelons le Premier ministre Manmohan Singh à rappeler publiquement que le respect de la liberté de la presse doit s'appliquer avec la même intensité aux quatre coins de l'Union indienne", a affirmé l'organisation. Un directeur de publication arrêté au Tamil Nadu Reporters sans frontières demande la libération de A. S. Mani, rédacteur en chef du magazine en tamoul Naveena Netrikkan, détenu depuis le 19 juillet à Chennai (Tamil Nadu). Selon l'un de ses collègues interrogé par Reporters sans frontières, il a été interpellé par des policiers sur ordre de l'officier S. R. Jangid, suite à la publication d'un article dénonçant une affaire de corruption au sein de la police. A.S. Mani a déjà passé un mois en prison en 2009 : http://fr.rsf.org/inde-un-redacteur-en-chef-libere-apres-05-11-2009,34911.html. A sa libération, il avait déclaré à Reporters sans frontières que la "liberté et les droits de la presse sont entravés par des pressions politiques, notamment dans le Tamil Nadu, où la presse n’est pas en mesure de dénoncer les racines des maux de la société" (http://fr.rsf.org/inde-recits-de-deux-journalistes-04-12-2009,35246.html). Des chaînes de télévision attaquées Dans la capitale, cette fois, les locaux de la chaîne Headlines Today ont été attaqués le 16 juillet par plusieurs milliers de militants nationalistes hindous, dont des membres du Rashtriya Swayamsewak Sangh (RSS). Certains dirigeants du RSS avaient été mis en cause dans des attentats par Headlines Today. Selon un journaliste de la chaîne interrogé par Reporters sans frontières, les manifestants ont blessé un cameraman et causé des dégâts importants. Le même jour, une foule a fait irruption dans un studio de la chaîne en marathi Ze 24 Taas à Kolhapur dans le Maharashtra (Ouest), qui allait transmettre un débat sur le conflit frontalier avec l'Etat voisin du Karnataka. Deux employés de la chaîne ont été blessés. Des responsables du groupe nationaliste Shiv Sena seraient impliqués dans cette attaque. Selon la presse indienne, onze militants du Shiv Sena se sont livrés à la police, mais ils ont été libérés sous caution. Un journaliste étranger blacklisté Dans une autre affaire, les autorités de New Delhi viennent de refuser un visa à Shogo Takahashi, correspondant de la chaîne publique NHK en Inde depuis 2008. Il a été contraint de quitter le pays. La presse indienne a rapporté que le gouvernement lui reprochait des reportages trop souvent négatifs et sa couverture trop fréquente de la pauvreté. Shogo Takahashi avait notamment réalisé une série de documentaires intitulée "Indo no Shogeki" (L'impact de l'Inde). Plusieurs dizaines de journalistes étrangers sont actuellement interdits de visa par les autorités indiennes. Incidents en cascade au Cachemire Au Cachemire, les professionnels de l'information ont dû faire face à des restrictions considérables entre le 7 et le 9 juillet 2010 à cause du couvre-feu imposé par la police et l'armée. Les journalistes ont été empêchés de se déplacer à Srinagar, la capitale d'été de l'Etat, car le gouvernement local a annulé les dérogations au couvre-feu. Pour protester contre ces restrictions, les médias locaux ne sont pas parus le 10 juillet. En marge des manifestations au Cachemire, plusieurs incidents ont été relevés : le 6 juillet, des agents de la Central Reserve Police Force ont matraqué douze journalistes en marge d'une manifestation. Le même jour, Izhar Wani de l'agence de presse AFP, dont le passe avait été suspendu, n'a pas été autorisé à rentrer chez lui alors que sa femme et ses filles étaient inconscientes, suite à des tirs de grenades lacrymogènes sur leur domicile. Le 7 juillet, Mark Magnier du LA Times a été frappé par un officier de police près du lac Dal de Srinagar. Tandis que le 9 juillet, Riyaz Masroor, reporter du service en ourdou de la BBC, a été frappé par des policiers qui lui ont fracturé la main gauche. "Je suis sorti de chez moi car le Département de l'information m'avait convoqué pour collecter mon passe, mais dans la rue, des policiers m'ont attaqué avec des bâtons", a expliqué le journaliste à Reporters sans frontières. Le 10 juillet, la police a interpellé Suhail Bukhari de la chaîne NewsX après la diffusion d'une information erronée. Le journaliste et le média, qui s'est excusé pour cette erreur, pourraient être poursuivis pour "incitation à la violence". Les autorités ont également imposé de nouvelles restrictions à la libre circulation de l'information : censure des télévisions locales diffusées par le câble ; censure de certaines pages Facebook et restrictions des téléphones portables pendant les manifestations. Selon le journal Greater Kashmir, les animateurs d'un groupe Facebook ont été convoqués par la police pour avoir diffusé des informations et des vidéos sur les émeutes à Srinagar. Mort dans un attentat Enfin, Reporters sans frontières est attristée par la mort de Vijay Pratap Singh, reporter expérimenté du quotidien Indian Express, le 20 juillet 2010, à l'hôpital militaire de New Delhi. Le journaliste avait été gravement blessé lors de l'attentat qui a visé, le 12 juillet, le ministre des Finances de l'Etat de l'Uttar Pradesh, Nand Gopal Nandi, à sa sortie de sa résidence à Bahadurganj. La bombe a blessé le ministre et quatre autres personnes. Le journaliste laisse derrière lui une épouse, un fils de cinq ans et une fille de onze mois.
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Updated on 20.01.2016