Vietnam : le journaliste Truong Duy Nhat condamné à dix ans de prison

Après que le journaliste Truong Duy Nhat a été condamné à dix ans de prison, Reporters sans frontières (RSF) condamne avec la plus grande fermeté une peine totalement injustifiée, et exige la libération immédiate de ce reporter qui est puni pour avoir exercé le métier de journaliste avec indépendance et professionnalisme.

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Actualisation :

Un tribunal de Hanoi a rejeté, vendredi 14 août 2020, l’appel interjeté par le journaliste Truong Duy Nhat et confirmé la peine de 10 ans de prison qui lui avait été infligée en début d’année. Sous prétexte de lutter contre la propagation du Covid-19, son épouse et sa fille ont été empêchées d'assister à l'audience, normalement ouverte au public. RSF dénonce un insupportable déni de justice, qui décrédibilise une fois de plus l'appareil judiciaire vietnamien.

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Le procès n’a pas duré plus d’une demi-journée, mais la sentence n'en est pas moins lourde : le journaliste et blogueur Truong Duy Nhat a été condamné ce matin, lundi 9 mars, à dix ans d’emprisonnement par le tribunal populaire de Hanoi.

 

En vertu de l’article 356.3 du code pénal vietnamien, il aurait “abusé de sa position et de son autorité professionnelles” en tant que journaliste et chef de bureau du quotidien officiel Dai Doan Kêt (“Grande solidarité”) dans la ville centrale de Danang en 2004, dans une nébuleuse affaire de fraude au régime de la propriété publique.

 

“Le motif avancé pour justifier la très lourde condamnation de Truong Duy Nhat est totalement inacceptable, note Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Le journaliste, officiellement condamné pour avoir ‘abusé de son autorité professionnelle’, paye justement le prix de son professionnalisme, dans la mesure où il détenait manifestement de précieuses informations. Il est évident que les autorités vietnamiennes ont voulu faire un exemple en le persécutant ainsi. Nous exigeons par conséquent sa libération immédiate.”  

 

Héros de l'information


Alors qu’il s'apprêtait à y demander le statut de réfugié, le journaliste avait été vu pour la dernière fois à Bangkok, en Thaïlande, le 26 janvier 2019. RSF s’était rapidement inquiétée de cette disparition, craignant qu’il ait été enlevé par des agents vietnamiens - à juste titre, puisqu’on a finalement retrouvé sa trace deux mois plus tard, dans une prison de Hanoi. 

 

Après avoir quitté la presse officielle pour travailler de façon indépendante, Truong Duy Nhat avait développé son propre blog, Mot Goc Nhin Khac (“Un autre point de vue”), et collaborait régulièrement avec Radio Free Asia, média financé par le Congrès états-unien.

 

Selon des informations recueillies par RSF, l’ordre de l’enlever émanait directement du bureau du Premier ministre vietnamien Nguyen Xuan Phuc. Celui-ci est en effet parvenu au sein du Politburo du Parti communiste vietnamien grâce à son clan de la province de Quang Nam, voisine de la ville de Danang, où vivait Truong Duy Nhat et où le journaliste disposait d’un important réseau d’informateurs pour mener à bien ses enquêtes

 

Dès 2014, RSF avait fait de Trong Duy Nhat l’un de ses cent héros de l’information. Arrêté en 2013, il avait été condamné une première fois à deux ans de prison pour avoir “abusé de ses libertés démocratiques” en publiant ses articles.

 

A la 176e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2019 établi par Reporters sans frontières, le Vietnam est l’une des plus grande prisons de journalistes et de blogueurs dans le monde. 

Publié le
Mise à jour le 17.08.2020