Vague d'intimidation : les médias ne sont plus en sécurité

Locaux pris d'assaut par des groupes mafieux inconnus, tentatives de rachat par des sociétés privées fictives, incendie déjoué contre la rédaction d'un grand quotidien, les journalistes kirghizes sont en alerte et se mobilisent pour éviter une reprise en main par les proches de l'ancien président. Reporters sans frontières appelle les autorités kirghizes à tout mettre en œuvre pour garantir la sécurité des journalistes dans le pays.

Reporters sans frontières s'inquiète de la vague d'intimidation qui s'abat sur les médias kirghizes depuis plusieurs mois. Locaux pris d'assaut par des groupes mafieux inconnus, tentatives de rachat par des sociétés privées fictives, changement brutal de direction, incendie déjoué contre la rédaction d'un grand quotidien, les journalistes kirghizes sont en alerte et se mobilisent pour éviter une reprise en main par les proches de l'ancien président en exil, Askar Akaiev. Le chef de l'Etat élu en juillet 2005, Kourmanbek Bakiev, tente quant à lui d'élargir son contrôle en faisant de l'Etat un actionnaire majoritaire des groupes audiovisuels. L'incertitude est totale concernant la responsabilité des violentes attaques commises récemment contre des sièges de rédaction. « Les espoirs fondés sur la révolte populaire de mars dernier n'ont pas porté leurs fruits. Les membres de la famille de l'ancien président restent influents et contrôlent toujours une partie des médias. L'Etat conserve la majorité des actions dans la plupart des groupes de presse et n'est pas prêt à lâcher du lest. Les médias sont attaqués par des groupes mafieux et ne sont plus en sécurité. Nous appelons les autorités kirghizes à tout mettre en œuvre pour assurer la protection des journalistes et des médias », a déclaré Reporters sans frontières. Le 8 décembre 2005, les membres de la rédaction de la chaîne privée Pyramid TV ont subitement été informés que leur entreprise venait d'être rachetée par une mystérieuse société répondant au nom de « Invest-Media », au capital déclaré de 20,50 euros. La première chaîne indépendante du pays est ainsi passée des mains d'Aidar Akaiev, fils de l'ancien président, et de sa société « Areopag », à celle d'un propriétaire inconnu. Mais l'un d'entre eux porte le nom d'un parent de Mairam Akaieva, l'épouse de l'ancien président en exil. Deux jours plus tard, les locaux de la chaîne ont été pris d'assaut par un commando d'une vingtaine de personnes coupant l'électricité, bloquant les entrées de l'immeuble et détruisant portes et fenêtres. Le Parlement a aussitôt ouvert une commission d'enquête sur ces événements. Les journalistes se sont rendus devant l'assemblée le 12 décembre pour une protestation silencieuse au nom de la liberté de la presse. Ils ont été soutenus par des hommes politiques et des personnalités publiques. Le 27 janvier 2006, les journalistes du consortium public NTRK (Télévision Publique et Compagnie de Radiodiffusion) ont entamé une grève de la faim pour protester contre la nomination au poste de directeur adjoint d'un proche de l'ancien président mêlé à un scandale financier, Bayama Sutenova. La conséquence a été immédiate : la chaîne publique a été la seule à traiter avec plusieurs jours de retard la grave crise qui a récemment éclaboussé les services secrets kirghizes (SNB, ex-KGB), accusés par le Premier ministre d'incompétence et d'être liés à des groupes mafieux. Dernière intimidation en date, le plus grand quotidien du pays, Vetchernyi Bichkek, a échappé à un incendie dans la nuit du 29 au 30 janvier. La direction du journal accuse un homme d'affaires controversé et influent, Ryspek Akmatbayev, d'être le commanditaire de cet acte criminel. Ce personnage soupçonné d'être un chef mafieux avait récemment fait l'objet d'articles très critiques dans le quotidien.
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Updated on 20.01.2016