Une semaine de détention préventive pour "diffamation" : les journalistes d'Ethiop continuent d'être harcelés par la justice
Organisation :
L'ancien directeur de la rédaction et actuel rédacteur en chef, Wosonseged Gebrekidan, vient de passer une semaine en prison à la suite d'une plainte en diffamation.
Le quotidien et magazine indépendant Ethiop, de langue amharique, continue de faire l'objet d'un harcèlement judiciaire : l'ancien directeur de la rédaction et actuel rédacteur en chef, Wosonseged Gebrekidan, vient de passer une semaine en prison à la suite d'une plainte en diffamation. Arrêté le 23 décembre, il s'est trouvé dans l'incapacité de payer la caution réclamée par la Haute Cour fédérale. Grâce à la mobilisation de l'Association des journalistes éthiopiens pour la liberté de la presse (EFJA) et d'organisations internationales, la caution a pu être réglée et le journaliste relâché le 31 décembre dans la soirée.
« Il est inadmissible que la justice éthiopienne continue d'exiger des journalistes des amendes ou des cautions exorbitantes pour des affaires de diffamation, a déclaré Reporters sans frontières. C'est une pratique courante et savamment orchestrée dans le but d'envoyer les journalistes en prison, puisqu'ils sont très souvent incapables de payer les sommes réclamées. Depuis plusieurs années, Ethiop fait les frais de cet acharnement judiciaire. Le gouvernement doit mettre un terme à cette situation pour que les journalistes de cette publication, comme tous les professionnels de la presse indépendante, puissent travailler librement. »
« Dans ce contexte, nous exhortons le gouvernement à tenir les engagements qu'il avait récemment pris auprès des organisations internationales de la liberté de presse sur l'accréditation, la protection des sources et la création d'un conseil de la presse indépendant De plus, il est temps que l'Ethiopie suive la tendance de ses voisins africains et s'emploie à la dépénalisation des délits de presse », a rappelé l'organisation.
Wosonseged Gebrekidan est poursuivi par la justice pour différentes charges. L'article qui lui a valu cette semaine de prison est paru en mars 2001 et traitait d'un litige de voisinage, dans lequel le journaliste estimait que le ministère de la Justice avait prématurément abandonné les poursuites contre Eteneshe Abreha, une femme d'affaires accusée d'avoir fait détruire la maison de ses voisins sans autorisation légale.
Harcèlement continu
Le 2 décembre 2004, Ethiop avait été attaqué par Harqa Haroye, ministre de la Justice de la coalition au pouvoir (le Front démocratique révolutionnaire des peuples d'Ethiopie, EPRDF) pour diffamation sur la base de la déclaration sur la presse 34/85 et de l'article 206 du code criminel. Etaient mis en cause, Wossenseged Gebrekidan, mais aussi le rédacteur en chef, Andualem Ayele, et son adjoint, Tesfa Tegegne Tadesse, pour un article traitant des mouvances politiques au sein de l'armée et de la Commission d'arbitrage de La Haye sur le tracé de la frontière avec l'Erythrée.
Le 10 juillet 2002, le journaliste Tewodros Kassa avait été condamné à deux ans de prison par la Haute Cour fédérale en vertu de la loi sur la presse et de l'article 480 du code pénal. Il avait été reconnu coupable d'avoir publié dans trois articles des « informations fabriquées pouvant inciter à la violence politique et dégradant la réputation de M. Duki ». Dans un article intitulé « Le meurtrier non identifié de l'homme d'affaires », Tewodros Kassa rapportait que Duki Feyssa, suspecté d'être un membre de l'OLF (Front de libération oromo) aurait été tué par les forces de sécurité de l'Etat. Son fils avait reproché au journal Ethiop d'avoir ainsi porté atteinte à la réputation de son père. Tewodros Kassa avait déjà été condamné à une année de prison pour les mêmes chefs d'accusation en 2000.
Le 20 mars 2002, Melese Shine, un des rédacteurs en chef, avait également été emprisonné sur ordre de la Haute Cour fédérale. On lui reprochait d'avoir publié l'interview d'un ancien colonel de l'armée impériale en exil au Soudan. Dans un autre article, le journaliste dressait un portrait du Premier ministre en s'appuyant sur les déclarations d'anciens collaborateurs. Il avait été accusé d'avoir « diffamé le chef du gouvernement » et « interviewé un bandit qui se dit être le leader d'une organisation illégale ». Détenu dans un commissariat, il avait dû payer une caution de 10 000 birrs (environ 1 350 euros).
Publié le
Updated on
20.01.2016