Une journaliste licenciée après avoir dénoncé des actes de harcèlement
Sept employées de la radio télévision nationale d’Haïti (RTNH), dont deux journalistes, ont dénoncé, dans une lettre ouverte, des actes répétés de harcèlement de la part du directeur de l’institution, le 28 novembre 2014, à Port-au-Prince. Reporters sans frontière demande une enquête approfondie sur ces allégations et fait le point sur la situation des femmes journalistes en Haïti.
Les journalistes de la RTNH Deborah Jean et Stéphane Eveillard sont parmi les sept signataires d’une lettre ouverte adressée aux ministres de la Culture et à la Condition féminine et aux Droits des femmes. Elles y dénoncent des actes répétés de harcèlement sexuel et moral, d’abus de pouvoir et de révocation arbitraire de la part du directeur. Elles affirment que ce dernier « utilise son statut de directeur général pour persécuter, humilier et tenter de chosifier toutes les femmes ou presque travaillant à la RTNH qui refusent d’entretenir des rapports intimes avec lui ». Suite à la publication de cette lettre, Deborah Jean et trois collègues ont été démises de leurs fonctions pour diffamation, insubordination et atteinte grave à l’image de la RTNH et à celle du directeur général de l’institution.
“Reporters sans frontières s’inquiète des graves allégations des employées de la radio-télévision nationale d’Haïti (RTNH) et exhorte les autorités à mener une enquête indépendante, impartiale et approfondie, déclare Claire San Filippo, responsable du bureau des Amériques de l’organisation. Les femmes journalistes haïtiennes doivent pouvoir exercer leur profession dans un environnement sûr, libre de toute discrimination et violence”.
La journaliste et présidente de l’association nationale des médias haïtiens (ANMH), Liliane Pierre-Paul, a confié à Reporters sans frontières qu’en dépit de l’augmentation du nombre de femmes dans les médias au cours des dernières années, de nombreux défis persistent. “La route est très longue pour les femmes qui veulent devenir journalistes professionnelles dans le pays. Elles doivent faire face à une large réticence de la part des familles et à des campagnes de dénigrement très fortes dues à la discrimination envers les femmes. Tous ces facteurs empêchent les femmes de progresser dans les médias où elles travaillent.” Elle souligne par ailleurs le grand déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes dans la profession, notamment dans les échelons plus élevés.
Liliane Pierre-Paul a tenu à saluer le courage des employées de la RTNH. “Les cas de harcèlement moral et sexuel des femmes journalistes en Haïti sont probablement beaucoup plus nombreux, mais la plupart ne s’exposent pas et finissent par subir ces abus en silence. Dénoncer publiquement ce problème est un acte courageux et peut motiver d’autres femmes à le faire pour que ça ne se reproduise plus”.
Plus de la moitié des 977 femmes journalistes interrogées par la Fondation internationale des femmes dans les médias (IWMF) dans le cadre d’une étude globale publiée en 2014, affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel. Dans 42% des cas recensés, ces actes se sont déroulés dans les locaux des médias où elles travaillaient et ont été commis par leurs collègues ou responsables. Prenant acte des dangers auxquels les femmes journalistes sont confrontées, le plan d’action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité souligne “la nécessité d’une approche de genre”.
Haïti occupe le 47ème rang sur 180 pays dans l’édition 2014 du Classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières.