Une dangereuse résolution gouvernementale pourrait compromettre l’accès aux fréquences des radios minoritaires

Reporters sans frontières demande l’annulation du projet de résolution de la Commission nationale des télécommunications (Conatel), qui amènerait à suspendre l’octroi de fréquences de basse puissance. Dans le contexte de persécution dont sont l’objet des petites stations telles que, entre autres, Faluma Bimetu et La Voz de Zacate Grande, nous avons tout lieu de soupçonner que cette nouvelle base légale serve en fait à réprimer ou à limiter, pour des raisons politiques, certains supports d’expression. Il y a là un réel danger pour des médias minoritaires ou communautaires, connus pour leur opposition au coup d’État du 28 juin 2009 et dans le collimateur de l’actuel gouvernement. Pour imposer cette résolution, la Conatel a lancé, le 31 janvier 2011, une consultation censée prendre fin le 4 février. Un délai si court autorise en soi à s’interroger sur les intentions du texte et d’ailleurs, qui est “consulté” ? Sur le fond, cette résolution est discriminatoire puisqu’elle ne laisse aucune autre option à des petites radios qui ne peuvent accéder à des fréquences de plus grande amplitude pour des raisons financières. En novembre 2010, dans le cadre de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le Honduras avait pris l’engagement d’adapter sa législation sur les télécommunications aux standards internationaux en matière de droits de l’homme. Une telle résolution contredit cet engagement de façon flagrante. En outre, l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’homme interdit toute restriction ou limitation du droit d’expression, y compris par des moyens indirects comme l’abus de contrôles officiels. Là encore, la résolution placerait le Honduras en infraction avec les traités internationaux dont il est signataire. _____________ 1.02.11 - Reprise sous haute tension des programmes de la station communautaire Radio Faluma Bimetu L’Association mondiale des radios communautaires (AMARC) et Reporters sans frontières attendent des autorités honduriennes un engagement clair en faveur de la protection, à la fois physique et juridique, des médias issus des minorités. Leur responsabilité est notamment engagée au moindre acte de censure ou de sabotage qui pourrait affecter Radio Faluma Bimetu (Radio Coco Dulce), voix de la communauté afro-hondurienne (Garifuna), qui a repris ses activités le 26 janvier 2011 après douze jours d’interruption forcée. Voir également le reportage vidéo : Le sort infligé à la communauté de Triunfo de la Cruz et de sa radio résume la triste conjonction des violences qui minent actuellement le pays : celle des autorités locales de mèche avec l’oligarchie agraire et industrielle ; celle du crime organisé particulièrement présent dans cette région Atlantique où un journaliste a perdu la vie en 2010, parmi dix assassinés au total durant l’année ; celle de la répression née du coup d’État du 28 juin 2009, qui a notamment ciblé les médias minoritaires et leurs représentants. AMARC et Reporters sans frontières plaident non seulement pour la fin de l’impunité dans les assassinats de professionnels des médias, mais également pour la restauration d’un véritable pluralisme de l’information au Honduras, que le coup d’État a brisé. L’apparente mobilisation du gouvernement de Tegucigalpa - qui a récemment obtenu une assistance extérieure - pour élucider les crimes commis contre des journalistes en 2010, ne fait en rien oublier les persécutions, menaces et intimidations dont continuent de souffrir les médias d’opposition et leurs équipes. L’avenir de Radio Faluma Bimetu aura donc valeur de test. La station avait pu compter sur une aide de nos organisations après l’incendie criminel qui l’avait rendue hors d’état d’émettre, en janvier 2010. Un an après, la communauté de Triunfo de la Cruz se heurte aux pressions directes des autorités municipales de Tela qui voudraient lui imposer un nouveau conseil dirigeant (patronato) à leur main. Le 14 janvier dernier, le leader communautaire et animateur de la station Alfredo López a dû se présenter devant la justice pénale suite à un échange de tirs sur le territoire de Triunfo de la Cruz survenu trois jours plus tôt. En l’absence de preuve, aucune charge n’a été retenue contre lui. La station a néanmoins décidé, sur le moment, de suspendre ses programmes face à des nouveaux risques de représailles. Compte tenu de la situation dramatique que subissent les médias communautaires, les Rapporteurs spéciaux pour la liberté d’expression de la commission interaméricaine pour les droits de l’homme (CIDH) et des Nations unies ont fait part de leur préoccupation devant une telle escalade de la violence et exigé de l’État hondurien qu’il consacre ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme et de liberté d’expression, également aux fins de protection de l’activité journalistique des médias communautaires, qui jouent actuellement un rôle clé dans le débat social et la diffusion d’informations que d’autres médias omettent délibérément. Les autorités de Tela et son maire, David Zacaro Morlachi, devront répondre judiciairement, le cas échéant, de toute atteinte au fonctionnement normal de Radio Faluma Bimetu.
Publié le
Updated on 20.01.2016