Le mécanisme de protection des journalistes démantelé par le nouveau gouvernement du Honduras

Une vague de licenciements opérée par le gouvernement de la nouvelle présidente Xiomara Castro met en danger le fonctionnement du mécanisme national de protection des journalistes au Honduras. Reporters sans frontières (RSF) fustige ces méthodes autoritaires dans un pays où les attaques et les violences contre la presse continuent pourtant de se multiplier.

“Il est inconcevable et scandaleux que le mécanisme de protection des journalistes, qui souffre déjà d’un cruel manque de ressources financières, puisse perdre plus des deux tiers de ses employés déclare Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine pour RSF. Ces réductions d'effectif ont un impact dramatique sur la sécurité des bénéficiaires des mesures de protection. Les journalistes honduriens travaillent dans un environnement extrêmement hostile et sont victimes quotidiennement de menaces et de violences. Il est donc urgent et impératif de réintégrer le personnel licencié ou de le remplacer par des employés compétents et formés, afin que les actuels et potentiels bénéficiaires ne soient pas mis en danger. Il est de la responsabilité du gouvernement de Xiomara Castro, à travers le renforcement du mécanisme, de garantir leur sécurité.”

Le 12 août 2022, la nouvelle ministre des Droits de l’homme du Honduras, Natalie Roque, a licencié 14 employés du SNP (Sistema nacional de protección), le mécanisme national chargé de la protection des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des opérateurs de justice (juges, magistrats), fondé en 2015. Parmi eux, le directeur intérimaire du mécanisme, Cristobal Martínez, ainsi que de nombreux cadres de l'équipe. Ils ont subi le même sort que José Antonio Velasquez, chef de l’unité de prévention, et Danilo Morales, directeur du SNP depuis 2018, eux aussi renvoyés quelques semaines plus tôt, le 22 avril 2022 après avoir subi “des attaques répétées” de la part de la ministre.

En à peine quelques mois, plus des deux tiers du personnel technique a donc été remercié sans explication valable, générant une paralysie quasi-totale dans la mise en œuvre des dispositifs de protection.

Ces renvois interviennent dans un climat de grande tension au sein du SNP. En juillet 2022, plusieurs employés avaient dénoncé des pratiques de harcèlement moral et une politique de “militarisation” mise en place par Natalie Roque (installation de caméras de surveillance, présence de militaires dans les locaux), au sein du ministère des Droits de l’homme dont dépend le SNP et où il est hébergé.

Ces licenciements abusifs et ce contexte ont affecté le fonctionnement du Conseil national de protection du SNP, organe délibératif responsable de la supervision, du contrôle, de l'accompagnement et de l’évaluation du mécanisme. Déjà très peu nombreuses, certaines des organisations de la société civile y participant ont en effet décidé de se retirer symboliquement et temporairement du Conseil pour signifier leurs inquiétudes et dénoncer ce démantèlement du SNP en cours. RSF a par ailleurs eu connaissance de pressions et menaces, notamment sur les réseaux sociaux, contre des représentants d’ONG ayant critiqué publiquement le démantèlement du mécanisme.

L’arrivée au pouvoir de la présidente Xiomara Castro, investie le 27 janvier 2022, avait suscité l’espoir d’un renforcement du SNP. C’est tout le contraire qui est en train de se produire. RSF déplore l’absence de volontarisme politique de Xiomara Castro pour renforcer la politique intégrale de protection des journalistes, tristement symbolisée par ce démantèlement du SNP qui met en grand danger les demandeurs et bénéficiaires des mesures de protection.

En février 2022, RSF publiait un rapport inédit sur les mécanismes de protection des journalistes du Honduras, de Colombie, du Brésil et du Mexique. Le document pointe les lenteurs, déficiences et le manque de ressources humaines et financières du SNP, et contient une série de recommandations détaillées visant à renforcer son efficacité. 

Le Honduras est un des pays les plus dangereux d'Amérique latine pour les reporters. Les journalistes de la presse d’opposition et des médias communautaires y sont régulièrement agressés, visés par des campagnes de harcèlement et d'intimidation, menacés de mort ou contraints à l’exil. La plupart du temps, les exactions et violences contre la presse sont commises par les forces de l’ordre, et plus particulièrement par la police militaire et l’armée. Au moins deux journalistes, Ricardo Ávila, le 26 mai et Pablo Isabel Hernández Rivera, le 9 janvier, y ont été assassinés en 2022, sans que RSF n’ait pu à ce stade confirmer de lien direct avec leur travail d’information.

 

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