Edwin Josué Andino, nouvelle victime des violences contre la presse au Honduras

Reporters sans frontières (RSF) demande une enquête impartiale sur l’assassinat du reporter Edwin Josué Andino et appelle le gouvernement de Xiomara Castro à cesser de saboter le fonctionnement du mécanisme national de protection des journalistes, dont le rôle est aujourd’hui vital.

 

“La lâche exécution d’Edwin Josué Andino et de son père ne peut et ne doit tomber dans l’oubli. Les autorités honduriennes sont tenues d’identifier et de traduire en justice les auteurs de cette attaque, et elles ne doivent en aucun cas négliger la piste professionnelle”, déclare Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine pour RSF. “Rappelons par ailleurs qu’il est de la responsabilité du gouvernement de Xiomara Castro de garantir la sécurité des journalistes sur l'ensemble du territoire, notamment via le renforcement du mécanisme national de protection qui leur est consacré. Tout indique pourtant que le nouveau gouvernement tente de saboter et de contrôler arbitrairement ce mécanisme, mettant en danger de nombreux bénéficiaires et potentiels bénéficiaires."

Dans la matinée du 10 octobre, dans le quartier de VillaFranca, à l'ouest de Tegucigalpa, capitale du pays, le jeune journaliste de 23 ans, Edwin Josué Andino, a été assassiné. Selon la police, deux individus armés et “vêtus d'uniformes similaires à ceux de la police militaire” se sont rendus au domicile du journaliste où il vivait avec son père. Les assaillants ont bâillonné les deux hommes avec du ruban adhésif puis les ont fait sortir dans la rue avant de les cribler de balles et de prendre la fuite en voiture. Les deux hommes ont été tués sur le coup.



La police nationale déclare avoir identifié quelques heures plus tard une maison abandonnée dans laquelle aurait été retrouvé le véhicule utilisé par les assaillants. Elle avance qu’il pourrait s’agir d’un assassinat “planifié par le crime organisé”. 

Edwin Josué Andino était journaliste pour la chaîne d’information La Tribuna TV (LTV) pour laquelle il travaillait depuis deux ans. Il n’avait pas signalé de menaces récentes liées à ses activités. Consternés, ses collègues de travail décrivent un homme “honnête, travailleur, (...) qui ne cherchait pas les problèmes”.

Ce meurtre met en lumière la nécessité d’améliorer la protection des journalistes en danger au Honduras, alors même que le mécanisme prévu à cet effet, bien loin d’être renforcé, est au contraire affecté par diverses décisions du nouveau gouvernement.

Le mécanisme de protection des journalistes en grand danger.

Le bureau Amérique latine de RSF alerte sur le démantèlement en cours du mécanisme national de protection des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des opérateurs de justice (juges, magistrats…), appelé le SNP (Sistema nacional de protección) et fondé en 2015. Le SNP est rattaché au SEDH (Secretaría de Derechos Humanos de Honduras), équivalent du ministère des Droits de l’homme.

En août dernier, RSF dénonçait notamment le licenciement arbitraire, par la nouvelle ministre des Droits de l’homme du Honduras, Natalie Roque, de plus des deux tiers du personnel technique du SNP, générant une paralysie quasi-totale dans la mise en œuvre des dispositifs de protection. Ces postes ont été depuis partiellement remplacés, mais par du personnel non formé. En outre, ces licenciements abusifs ont affecté le fonctionnement du Conseil national de protection (CNP), organe délibératif responsable de la supervision, du contrôle, de l'accompagnement et de l’évaluation du mécanisme.

Depuis, les inquiétudes se cristallisent autour de l’élection des nouveaux membres du CNP. En effet, les 1er et 2 octobre, le SEDH a convoqué publiquement une assemblée générale visant à les élire, bien que cela ne rentre pas dans ses attributions. De nombreuses organisations de la société civile et le Commissariat aux droits de l’homme du Honduras (CONADEH) ont dénoncé le caractère illégitime et inconstitutionnel de cette convocation, demandant sa révocation. RSF appuie cette demande et insiste sur le fait que cette assemblée générale doit être organisée dans le respect des modalités prévues par la loi, notamment en intégrant une forte participation de la société civile.

Contactée par RSF sur cette ingérence, le SEDH n’a jusqu’ici pas souhaité répondre à nos questions.

L’un des pays les plus dangereux d'Amérique latine

L’arrivée au pouvoir de la présidente Xiomara Castro, investie le 27 janvier 2022, avait suscité l’espoir d’un renforcement du SNP. C’est tout le contraire qui est en train de se produire. En février 2022, RSF publiait un rapport inédit sur les mécanismes de protection des journalistes du Honduras, de Colombie, du Brésil et du Mexique. Le document pointe les lenteurs, les déficiences et le manque de ressources humaines et financières du SNP, et contient une série de recommandations détaillées visant à renforcer son efficacité.

Le Honduras est un des pays les plus dangereux d'Amérique latine pour les reporters. Les journalistes de la presse d’opposition et des médias communautaires y sont régulièrement agressés, visés par des campagnes de harcèlement et d'intimidation, menacés de mort ou contraints à l’exil. La plupart du temps, les exactions et violences contre la presse sont commises par les forces de l’ordre, et plus particulièrement par la police militaire et l’armée. Au moins un journaliste, Pablo Isabel Hernández Rivera, le 9 janvier, y a été assassiné en 2022 en lien direct avec son travail d’information.















 

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