Une chaîne de télévision à son tour poursuivie en vertu de la législation anti-terroriste

Le 26 août 2013, une plainte formelle (First Information Report, FIR) a été déposée à l’encontre de la chaîne télévisée privée ARY News. Le média est accusé d’avoir diffusé des images de groupes insurgés baloutches attaquant la dernière demeure du fondateur du Pakistan, Muhammad Ali Jinnah, en violation des dispositions de la loi anti-terrorisme. Depuis le mois d’avril, au moins douze plaintes ont été enregistrées contre des médias pour des faits similaires. “Si le recours aux instances judiciaires est un droit inaliénable, le harcèlement judiciaire dont sont victimes les médias au Baloutchistan doit cesser immédiatement. Leur couverture des activités des groupes insurgés agissant dans la région participe de la conduite de leur mission d’information. Elle ne doit en aucun cas être assimilée à une adhésion à leur cause. Il est donc invraisemblable qu’ils puissent tomber sous le coup de la loi anti-terrorisme. Les autorités pakistanaises doivent prendre toute la mesure des représailles auxquelles s’exposent les médias qui refusent de couvrir les activités des groupes armés baloutches. Les journalistes baloutches sont ainsi pris en étau entre la pression des groupes armés baloutches et celles des autorités législatives. Il appartient aux dirigeants pakistanais de garantir leur sécurité et leur liberté de travailler”, a déclaré Reporters sans frontières. “Le gouvernement croit en la liberté d’expression et respecte le système judiciaire”, a déclaré le ministre en chef de la province, Dr Abdul Malik Baluch, lors d’une session de l’Assemblée du Baloutchistan le 27 août, ajoutant que le gouvernement provincial n’avait pas déposé de plainte à l’encontre le ARY News, et que l’ouverture de ce FIR était le résultat d’un malentendu. Une plainte enregistrée par la police de Quetta continue pourtant de viser le président-directeur général d’Ary News, Salman Iqbal, le directeur exécutif, Ovais Tohid, et les responsables des bureaux de Quetta et d’Islamabad, Shahid Rind et Sabir Shakir. La chaîne fait également face à une accusation “d’outrage au tribunal”, pour des critiques formulées contre le juge en chef du Pakistan lors d’une émission. Salman Iqbal a été convoqué par la Cour suprême du Pakistan le 27 août dernier. “Etrange expérience que d’être accusé de ‘terrorisme’ dans une plainte déposée par le gouvernement baloutche”, a commenté sur sa page Facebook Ovais Tohid, le directeur exécutif d’ARY News. Le 12 avril 2013, la Haute Cour du Baloutchistan avait entamé des poursuites contre les journaux Mashriq, Express, Intikhab et Jang, ainsi que de la chaîne télévisée Geo News, suite à leur publication de communiqués émanant de l’Armée de libération du Baloutchistan. L’affaire avait été classée après les excuses des rédacteurs des journaux incriminés. Un mois plus tard, le 15 mai 2013, une plainte formelle était déposée au poste de police de Quetta à l’encontre de sept journaux, Jang, Mashriq, Intikhab, Express, Qudrat, Baakhabar et Zamana, pour avoir publié un communiqué de l’organisation “illégale” Lashkar-e-Jhangvi. Le 23 août dernier, la Haute cour d’Islamabad a empêché l’Autorité de Régulation des Médias Electroniques du Pakistan (PEMRA) de prendre des mesures de répression contre ARY News, qui avait diffusé le 14 juin 2013 des images de l’attaque commise contre la résidence de Muhammad Ali Jinnah, à Ziarat (Baloutchistan), jusqu’à l’audience du 30 août prochain, au cours de laquelle le juge entendra les arguments de la PEMRA et du ministère de l’Information. Au Baloutchistan, les médias subissent la pression des agences de sécurité et des groupes armés séparatistes et islamistes, tous deux classés parmi les “prédateurs de la liberté de la presse” par Reporters sans frontières. Depuis le début de l’année 2013, quatre journalistes ont été tués dans cette province du Pakistan. Le 10 janvier, Imran Shaikh, Saifur Rehman et Mohammad Iqbal ont perdu la vie dans un double-attentat ciblant la communauté chiite, à Quetta. Le 1er mars, Mehmood Ahmed Afridi était assassiné par balles à Kalat. Le meurtre a été revendiqué par l’Armée de libération du Baloutchistan. Le Baloutchistan fait partie des dix lieux les plus dangereux au monde pour les journalistes, selon Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016