Un procureur juge et partie

Reporters sans frontières s’inquiète du caractère partial du procès de Li Min, 31 ans, journaliste de CCTV. Arrêtée le 18 décembre 2008, la jeune femme, qui a plaidé coupable, a été condamnée le 4 août 2009 par la Haute Cour du Peuple du district de Xinghualing (Shanxi, Nord de la Chine), où officie le procureur He Shusheng, pour avoir reçu 37 000 yuan (3 700 euros) en provenance de Wu Xiaohua dont elle était par ailleurs l’intime. La journaliste encourt trois ans de prison, si pendant une période probatoire de quatre ans, elle récidivait ou manquait à ses obligations. Toutefois, cette condamnation ne semble pas sans lien avec l’enquête menée par Li Min, en 2008, sur de possibles abus de pouvoir de la part de ce même procureur, qui aurait usé de son influence afin de condamner, en novembre 2008, l’homme d’affaires Wu Xiaohui, le frère de Wu Xiaohua. « Le procureur actuel, lui-même mis en cause personnellement par Li Min, doit être dépossédé du dossier. L’influent He Shusheng ne peut être à la fois juge et partie », a déclaré Reporters sans frontières. « L’impartialité du procureur est d’autant plus soumise à caution que des mesures ont été prises pour empêcher les nombreux journalistes venus d’autres provinces d’assister à l’audience du 4 août 2009», a déploré l’organisation. L’année dernière, la journaliste de CCTV, accompagnée de deux autres confrères, était venue de Pékin pour enquêter sur un conflit qui opposait deux hommes d’affaires Hao Jianxiu et Wu Xiaohui. En novembre 2008, ce dernier avait été condamné par He Shusheng. Dans un reportage, Li Min avait alors tenté de dénoncer la relation de connivence qui existait entre le procureur et Hao Jianxiu, puissant homme d’affaires local. En effet, selon la journaliste, He Shusheng avait des intérêts financiers dans le conflit qui opposait Wu Xiaohui et Hao Jianxiu. Mais CCTV n’avait finalement jamais diffusé les images. Le 12 décembre 2008, Li Min a été arrêtée pour avoir accepté de l’argent de la part de Wu Xiaohua, le frère de Wu Xiaohui alors en prison, dans le but supposé d’influencer son enquête. La jeune femme s’était défendue en soulignant qu’il s’agissait là d’un simple don de la part d’un intime. Ce n’est pas la première fois qu’un tribunal où exerce He Shusheng condamne une journaliste pour avoir enquêté sur ses activités. En effet, selon un article de Xinhua, He Shusheng, alors procureur du tribunal du district de Jiancaoping, avait condamné, en 2003, les éditeurs de la revue En Marche vers l’OMC à lui verser 455 000 yuan (45 000 euros) de dédommagement financier et psychologique pour avoir publié en 2002 une liste de 150 officiels chinois corrompus, parmi lesquels figurait He Shusheng.
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Updated on 20.01.2016