Un journaliste relâché après avoir été renvoyé illégalement en prison pour "diffamation"

Editorialiste de télévision locale et du quotidien O Rio Branco dans l’État amazonien d’Acre, Antônio Muniz a été remis en liberté, le 4 décembre 2009, le surlendemain de son renvoi en prison. Il avait été condamné pour “diffamation” en 2002 pour un article paru en 1999 mettant en cause un sénateur. La révocation de la loi sur la presse de 1967 par le Tribunal suprême fédéral, le 30 avril dernier, exclut désormais toute peine de prison ferme pour les délits de presse. “Cette décision de justice répond à l’exigence de dépénalisation des délits de presse. Néanmoins, nous sommes choqués d’apprendre, d’après les témoignages de la presse locale, que le tribunal d’Acre a obligé Antônio Muniz a comparaître menotté et à huis clos, là encore en violation des résolutions des juridictions fédérales en la matière. La justice locale a visiblement bien du mal à reconnaître sa propre faute”, a déclaré Reporters sans frontières.
Censures et emprisonnement sur la base d'une loi caduque : Lettre ouverte au gouvernement fédéral Monsieur Tarso Genro, ministre de la Justice
Monsieur Hélio Costa, ministre des Communications
Brasília, D.F Messieurs les Ministres,
Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, sollicite l’intervention des autorités fédérales dans certaines affaires récentes, qui portent directement atteinte au principe de liberté d’expression consacré par la Constitution démocratique de 1988. Le 2 décembre 2009, Antônio Muniz, éditorialiste politique pour la télévision locale et le quotidien O Rio Branco dans l’État d’Acre, a été renvoyé en prison parce qu’il n’aurait pas respecté le contrôle judiciaire auquel il était astreint. Pour avoir publié, en 1999, un article critique envers le sénateur fédéral Tião Viana, le journaliste avait été condamné en 2002 à un an de prison pour “diffamation”. Il avait ensuite obtenu une suspension de peine. La décision de le renvoyer en prison est d’autant plus incompréhensible que le motif de son incarcération a été rendu caduc par décision du Tribunal suprême fédéral. La révocation intégrale par celui-ci, le 30 avril dernier, de la loi sur la presse de 1967, exclut désormais toute condamnation pénale pour les délits de presse. Antônio Muniz doit donc être libéré. Sous l’impulsion de l’actuel gouvernement fédéral, la liberté d’informer a connu d’importantes avancées. La révocation de la loi sur la presse du régime militaire en est un exemple, comme les projets de législation facilitant l’accès à l’information ou encore la base de données “Mémoires révélées” (http://www.memoriasreveladas.arquivonacional.gov.br/) qui lève enfin le tabou entourant les années de dictature (1967-1985). Pourtant, ces évolutions législatives tardent à se traduire en actes au niveau des États. Grande victoire juridique, la révocation de la loi de 1967 a eu pour effet pervers une série de mesures de censure préventive contre des médias. Le cas le plus connu concerne le quotidien O Estado de São Paulo, contraint depuis le 31 juillet dernier de taire toute référence aux affaires financières mettant en cause l’entrepreneur Fernando Sarney. Que ce litige ait été confié à la justice de l’État de Maranhão dont le gouverneur, Roseanna Sarney, est la propre sœur de l’intéressé, crée un conflit d’intérêts flagrant. La censure préventive a également été imposée, le 10 novembre, à deux journalistes en ligne de l’État du Mato Grosso, Adriana Vandoni (blog : www.prosaepolitica.com.br) et Enock Calvacanti (blog : www.paginadoenock.com.br) pour des propos jugés “offensants” envers le président de l’Assemblée législative de l’État, le député José Riva. La censure du blog d’Adriana Vandoni vient d’être confirmée par un juge d’appel (desembargador), le 2 décembre. La règle de la souveraineté des États en régime fédéral s’applique tant qu’elle ne contredit pas les principes constitutionnels fondamentaux. C’est pourquoi le rappel obligatoire de ces principes par les autorités fédérales nous semble urgent et nécessaire. En vous remerciant de l’attention que vous porterez à cette demande, je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de ma haute considération. Jean-François Julliard
Secrétaire général de Reporters sans frontières
Publié le
Updated on 20.01.2016