Un journaliste indépendant détenu au secret depuis plus de trois semaines

Reporters sans frontières (RSF) est extrêmement inquiète pour le journaliste freelance Saparmamed Nepeskouliev, dont l’arrestation a été rendue publique le 29 juillet 2015. Le journaliste avait disparu depuis le 7 juillet aux alentours de la ville de Turkmenbachi, dans l’ouest du pays.

Saparmamed Nepeskouliev, qui collabore avec le service turkmène de Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL) et le site d’information Nouvelles alternatives du Turkménistan (ATN), est détenu au secret depuis le 7 juillet. Parti récolter des informations en vue de futures publications à Avaza, au bord de la mer Caspienne, il a prévenu sa famille qu’il rentrerait dans l’après-midi, puis a brusquement disparu. Inquiets de son absence, les proches du journaliste se sont tournés au bout de quelques jours vers le commissariat de Turkmenbachi, où on leur a suggéré qu’il aurait pu se noyer. Après de longues recherches, ce n’est que le 28 juillet qu’ils ont appris que Saparmamed Nepeskouliev était détenu au centre pénitentiaire d’Akdach, non loin d’Avaza. Il aurait été arrêté pour “possession de drogue”, une version que sa famille dément catégoriquement. “La détention arbitraire de Saparmamed Nepeskouliev est d’autant plus inquiétante que l’usage de la torture est systématique dans les geôles turkmènes, déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’est et Asie centrale de RSF. Etant donné l’attitude des autorités à l’égard des médias indépendants, il semble évident que l’incarcération du journaliste est liée à ses activités professionnelles. Nous exhortons les autorités à le remettre en liberté sans délai et à lever la chape de plomb qui pèse sur son sort.” Saparmamed Nepeskouliev travaille essentiellement sur les problèmes sociaux et d’infrastructures des environs de Turkmenbachi et de sa ville, Balkanabat : qualité de l’eau, état des routes, accès aux soins... Fin mai, il a réalisé pour RFE/RL un reportage photo sur un complexe résidentiel de luxe pour hauts fonctionnaires. Il a également documenté l’incurie des autorités locales concernant l’état des services publics, ou encore la hausse des prix des principales denrées alimentaires. Joint par RSF, le rédacteur en chef d’ATN, Rouslan Miatiev, déclare que “Saparmamed est un journaliste très courageux et un activiste qui aime réellement sa ville natale. En consacrant ses reportages à de graves problèmes sociaux, il cherche à faire évoluer les choses dans le bon sens. Ses articles et photographies pour ATN ont toujours suscité le débat et reçu le soutien des habitants de sa région. Je n’ai aucun doute que le harcèlement de Saparmamed est entièrement de nature politique”. La liberté de la presse est inexistante au Turkménistan, véritable trou noir de l’information aux tréfonds du Classement mondial de la liberté de la presse. Le pays occupe toujours la 178e place sur 180, juste devant la Corée du Nord et l’Erythrée, dans l’édition 2015 du classement. Les seuls médias indépendants sont basés à l’étranger, et collaborer avec eux est extrêmement risqué. Un correspondant de longue date du service turkmène de RFE/RL, Osmankuly Hallyev, a été contraint de mettre un terme à cette collaboration en juin 2015, après avoir été interrogé et menacé. Des membres de sa famille avaient déjà perdu leur emploi en raison de ses activités journalistiques. Plusieurs de ses collègues ont été arrêtés ces dernières années et de mauvais traitements sont très vraisemblablement à l’origine de la mort en prison de sa collègue Ogoulsapar Mouradova en septembre 2006. (Photo : ATN)
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Updated on 20.01.2016