Un journaliste arrêté et jugé en vertu d'une loi d'exception

Reporters sans frontières et le BCDJC demandent la libération d'Abdul Mahbud Mahu arrêté dans le sud-est du pays après avoir critiqué le parti au pouvoir. Les deux organisations dénoncent également la violence des partisans du pouvoir et de groupes clandestins armés qui menacent la liberté d'information dans le pays.

Un journaliste échappe à une tentative d'assassinat Mahbubur Rahman Dulu, correspondant du quotidien Janmabhumi (publié à Khulna) à Fakirhat (sud du pays), a échappé de peu à une tentative d'assassinat, le 20 février au soir. Le journaliste se trouvait près d'une épicerie, sur la place du marché de la ville, lorsqu'un groupe de sept à huit personnes a ouvert le feu dans sa direction. L'épicier a été tué par une balle perdue et un passant a été blessé. M. Dulu a réussi à échapper à ses assaillants. ________________________________________________________ Abdul Mahbud Mahu, responsable de la rédaction du quotidien local Ajker Dish Bidesh, a été arrêté, le 14 février, à Cox's Bazar (sud-est du pays). La police a agi sans mandat d'arrêt et sous la pression d'un dirigeant local du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP, au pouvoir) qui lui reproche ses articles critiques. Abdul Mahbud Mahu, également militant du principal parti d'opposition, tombe sous le coup d'une procédure judiciaire particulièrement sévère, dite de "jugement rapide" (Speedy Trial Act). Celle-ci permet à la police de détenir le suspect jusqu'au verdict. Des journalistes de Cox's Bazar ont rencontré les autorités locales, notamment le chef de la police, pour demander la libération de leur confrère. Reporters sans frontières et le Centre pour le développement, le journalisme et la communication du Bangladesh (BCDJC) demandent aux autorités, notamment au ministre de l'Intérieur, d'intervenir pour qu'Abdul Mahbud Mahu soit libéré. Les deux organisations protestent contre l'utilisation abusive de cette procédure d'exception contre un journaliste qui n'a fait qu'exercer son droit à informer. Cette arrestation intervient dans un climat de violence et de menaces contre les journalistes. Ainsi, Reporters sans frontières et le BCDJC ont recensé vingt-six nouveaux cas d'agressions et de menaces de mort contre des journalistes depuis l'assassinat, le 15 janvier dernier, du correspondant de la BBC World Service, Manik Saha. Reporters sans frontières et le BCDJC constatent que le gouvernement et ses partisans continuent à mettre en danger la vie de dizaines de journalistes et à menacer leur liberté d'informer. Les deux organisations regrettent que les autorités n'aient pas réagi après la mort de Manik Saha pour prendre des mesures énergiques afin de faire cesser les violences. Le 16 février, un groupe armé d'extrême gauche, Purba Bangla Sarbahara, a adressé une lettre de menaces de mort à six journalistes de Gaibandha (nord du pays). Ce courrier donnait 30 jours aux reporters pour cesser de "conspirer" contre le parti, sinon ils seraient "tués entre 15 et 17 heures par des militants déjà infiltrés dans la ville." Les journalistes se sont adressés à la police pour être protégés. Par ailleurs, le 12 février, des membres du Jatiyatabadi Chhatra Dal (JCD), la branche étudiante du BNP ont battu Mokarram Hossain Suvo, correspondant du quotidien Prothom Alo à l'Université de Dacca. Le journaliste était en train de discuter avec des confrères d'un article écrit par son rédacteur en chef sur le faible contrôle qu'exerce le BNP sur la JCD. Le 9 février, Masadur Raham, un fonctionnaire du district de Bakshiganj (est du pays), a menacé de tuer trois journalistes de la ville de Jamalpur. Ils venaient de publier des articles sur son implication dans des affaires de corruption. Le 7 février, vingt membres armés du BNP ont agressé devant son domicile Iqbal Hasan, correspondant du quotidien Janakantha à Natore (nord du Bangladesh). Le journaliste a été sauvé par des voisins qui ont fait fuir des assaillants. Il venait de publier un article sur l'incendie des maisons de seize partisans de la Ligue Awami (opposition) par des membres du BNP. Le 6 février, onze journalistes du Club de la presse de Rajshahi (ouest du pays) ont été menacés de mort dans une lettre envoyée par le Parti communiste Purbo Banglar (PBCP) qui leur reproche de mentir à son sujet et d'être associés aux "classes ennemies". La lettre ajoutait : "Les guérilleros de notre parti ont déjà tué le journaliste Manik Saha et ils vous tueront un par un dans le mois qui vient." Le club de la presse a été placé sous surveillance de la police. Le même jour, le journaliste indépendant Zahirul Huq Makhan a été menacé de mort à Dacca. Des hommes l'ont arrêté dans la rue alors qu'il se rendait à son domicile et lui ont ordonné de cesser d'écrire s'il ne voulait pas "perdre la vie". Toujours le 6 février, M. A. Awal, directeur de l'hebdomadaire local Narsinghdir Kagoj, a été menacé de mort par téléphone près de Dacca. Cette menace fait suite à la publication d'un article à propos des activités illégales menées par une entreprise immobilière. Le 3 février, Prabir Shikder, correspondant du quotidien Janakantha à Faridpur (sud-ouest de Dacca), a échappé à une tentative d'agression. Le journaliste a déjà été amputé d'une jambe, en 2001, suite à une attaque liée à ses articles sur un homme d'affaires influent. Cette fois, le journaliste a été poursuivi par une voiture et trois motos. Il s'est mêlé à une foule et a ensuite été secouru par la police. Le 24 janvier, le photojournaliste Shahinur Rahman Bimu du journal Jugantor, a été frappé à Pakulla (district de Sonatola, Nord) par des militants du Jatiyatabadi Jubo Dal, proche du BNP, alors qu'il prenait une photo d'un immeuble construit illégalement. Un avocat a également été battu pour avoir défendu le journaliste.
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Updated on 20.01.2016