Bangladesh : RSF dénonce des actes d'intimidation inacceptables contre deux journaux indépendants

Les bureaux de Dacca des quotidiens indépendants Daily Star et Prothom Alo, ainsi que plusieurs de leurs bureaux régionaux, ont récemment été la cible d'attaques violentes de la part de manifestants. Reporters sans frontières (RSF) dénonce fermement cette attaque contre la liberté de la presse et appelle les autorités à mettre un terme définitif à ces tentatives d’intimidation dans un pays qui doit œuvrer à la reconstruction d’un espace médiatique sûr et pluraliste.

Alors que RSF continue d’appeler à des réformes structurelles pour la protection des journalistes au Bangladesh dans un contexte de transition politique, des manifestants ont attaqué les bureaux du Daily Star et Prothom Alo à Dacca, la capitale. Les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser les assaillants. Des attaques ont également visé plusieurs bureaux régionaux des deux journaux, notamment à Rajshahi où 200 manifestants ont tenté d’entrer dans le bureau de Prothom Alo et vandalisé son panneau. Ces manifestations violentes, orchestrées par des groupes religieux radicalisés et anti-indiens, avaient pour objectif de dénoncer ces journaux comme étant de soi-disant “agents de l'Inde”.

Les assaillants ont ainsi accusé The Daily Star et Prothom Alo d’être financés par ce pays voisin pour promouvoir des idéaux qu’ils jugent contraires à l’islam, tels que le sécularisme, les droits des personnes personnes LGBTQ+ ou encore l’émancipation des femmes. Ils ont exigé la fermeture des journaux si ces derniers ne présentaient pas d'excuses publiques et ne se rétractaient de leurs positions jugées “anti-islamiques”. Une campagne de discrédit  sur les réseaux sociaux a contribué à intensifier la haine contre ces médias.

“RSF condamne les attaques et les tentatives d’intimidation inacceptables contre ces quotidiens. Ces deux journaux avaient tenté de maintenir coûte que coûte leur indépendance sous le régime autoritaire de Sheikh Hasina, malgré le harcèlement judiciaire qu’ils ont subi en représailles. Désormais, il incombe au gouvernement d’intérim de leur permettre de travailler sans entraves ni intimidation. Une enquête impartiale et approfondie sur les instigateurs et les auteurs des manifestations violentes survenues ces derniers jours, ainsi que les poursuites judiciaires qui doivent en découler, sont  cruciales pour ne pas laisser s’installer un climat de peur pour les journalistes.

Celia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

Harcèlement judiciaire et gel de comptes bancaires

Les atteintes à la liberté de la presse se poursuivent également dans le pays par le biais d’une répression financière et de fausses accusations contre des journalistes. Le 24 novembre, une plainte pour meurtre a été déposée contre 14 journalistes de Khulna (sud-ouest), ainsi que 315 autres personnes, accusées d’avoir organisé le meurtre d’un étudiant lors des manifestations récentes. Toutefois, le père de la victime a déclaré qu'il n'avait jamais déposé cette plainte et que son nom avait été utilisé sans son consentement. Le certificat de décès indique que la victime est morte électrocutée.

Le même jour, l'agence de renseignement financier de la banque centrale, la Bangladesh Financial Intelligence Unit (BFIU), a ordonné le gel des comptes bancaires de dix journalistes pour une période d’un mois renouvelable. Officiellement, cette mesure vise à lutter contre le blanchiment d'argent, bien qu'aucune preuve tangible n'ait été fournie. Une enquête est également en cours sur les comptes de 28 autres journalistes, à la suite d’une demande du ministère de l'Information.

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