Un défenseur de la liberté d’expression agressé en plein Parlement ; les lois bâillons s’enchaînent
Organisation :
Le président Hugo Chávez doit condamner publiquement l’agression dont a été victime Carlos Correa, directeur de l’ONG Espacio Público, le 16 décembre 2010 dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Cet acte de violence s’inscrit dans une campagne de discrédit menée par le pouvoir exécutif contre les défenseurs des libertés publiques fondamentales et des droits de l’homme. Les législations répressives s’enchaînent alors que l’exécutif dispose encore, jusqu’au 5 janvier 2011, d’une majorité parlementaire totalement à sa main.
Au nom de l’Alliance pour la liberté d’expression, qui fédère plusieurs ONG dont nos collègues d’IPYS Venezuela, Carlos Correa était venu présenter un argumentaire contre les nouvelles versions des lois de responsabilité sociale en radio, télévision et médias électroniques (Resortemec) et loi organique sur les télécommunications (Lotel), qui renforcent les modalités de contrôle et de censure des médias. Ces deux législations ont été adoptées en première lecture le 15 décembre, en abandonnant le projet de point d’accès unique à Internet contenu dans les textes initiaux.
C’est sous l’œil passif des officiers de sécurité du Parlement que Carlos Correa a reçu un projectile en pleine face et des menaces de mort, alors qu’il s’entretenait avec des médias sur le sens de sa démarche. Il souffre d’une inflammation au visage. L’avocate d’Espacio Público, Mariana Belalba, a dû effacer les photos prises de son appareil au moment de l’agression. L’agression a coïncidé avec le vote, en première lecture de la loi de protection de la souveraineté politique. Cet autre “paquet” législatif, portant sur la coopération internationale, entend imposer un véritable encadrement de l’État sur l’activité des ONG, vénézuéliennes et étrangères, représentées dans le pays.
L’Alliance pour la liberté d’expression se réunira en conférence le 20 décembre. Nous tiendrons les autorités pour responsables de l’intégrité physique des participants, honteusement désignés par le pouvoir comme des ennemis de l’État.
Photo : Mercedes de Freitas
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13.12.10 Renforcement et extension à Internet de la loi de responsabilité sociale des médias sans base juridique sérieuse
Déposée au Parlement le 9 décembre 2010, la réforme de la loi de responsabilité sociale en radio et télévision (Resorte) doit être adoptée cette semaine, à la demande expresse de la présidence. Le texte de cette réforme prévoit notamment le renforcement du régime de sanctions prévues dans la version initiale de la loi Resorte et son extension à Internet. Comme pour la loi de coopération internationale, le Parlement est sommé de répondre dans l’urgence à un ordre du président Hugo Chávez. La nouvelle Assemblée incluant les partis d’opposition, qui sera investie le 5 janvier 2011, offrirait un débat plus équilibré sur des enjeux aussi cruciaux. Est-ce parce qu’elle sait disposer d’une majorité encore totalement à sa main que la présidence veut à tout prix faire voter ces législations avant Noël ? Il y a tout lieu de le penser et ce procédé méprise la leçon du suffrage du 26 septembre dernier. La loi Resorte, dans sa version initiale, constituait déjà une véritable prime à l’autocensure des médias, en décrivant des infractions beaucoup trop générales sous une forme alambiquée et sujette à toutes les interprétations. La nouvelle version du texte aggrave ce défaut jusqu’à la caricature. Ainsi, la nouvelle loi Resorte interdit la diffusion télévisuelle, radiophonique et via Internet, de messages qui “pourraient inciter au crime contre le chef de l’État” ou qui “peuvent constituer une des manipulations médiatiques destinées à fomenter le trouble des citoyens et à altérer l’ordre public”. Sont également concernés les messages “qui pourraient être contraires à la sécurité de la nation” ou ceux “destinés à méconnaître les autorités légitimement constituées”. Un tel degré d’imprécision fausse toute base juridique sérieuse. En outre, le régime des sanctions instauré avec cette réforme législative est durci par rapport à la version précédente. Une amende équivalant à 10 % des revenus bruts annuels de l’entreprise télévisuelle ou radiophonique ou du fournisseur d’accès Internet – voire une suspension de 72 heures continues et suspension définitive si récidive – sera infligée pour les deux premières infractions déjà mentionnées (“incitation supposée au crime contre le chef de l’État” et “probable manipulation médiatique”). L’amende s’élèvera de 1 à 2 % du revenu brut annuel si le média ou le service Internet se refuse, entre autres, à transmettre l’hymne national. La sanction se limitait jusqu’alors dans ce dernier cas à la cession d’espace pour la diffusion de messages à caractère éducatif ou culturel. Par ailleurs, 3 à 4 % du revenu annuel brut devra être payé si la chaîne de télévision, la station de radio ou le média en ligne ne respecte pas les horaires définis pour certains messages ou contenus jugés violents. La catégorie “tout public” valait jusqu’alors pour la tranche horaire comprise entre 7 heures du matin et 7 heures du soir. Désormais, elle s’appliquera à une tranche allant de 6 heures du matin à 9 heures du soir. L’horaire dit “supervisé” commencera à 9 heures du soir et se prolongera jusqu’à minuit. Au-delà de l’argument officiel – en soi louable – de la protection de l’enfance, ces restrictions horaires, nettement excessives pour l’audiovisuel, paraissent impossibles à mettre en œuvre sur Internet. Or, l’article 212 de la réforme de la loi Resorte dispose que “l’État créera un point d’interconnexion ou point d’accès aux fournisseurs de services Internet avec pour finalité de réguler le trafic au sein ou à destination du pays, avec pour objet d’utiliser plus efficacement les réseaux du pays en raison du caractère stratégique du secteur”. Ce “point d’accès” marque-t-il l’arrivée d’un monopole de l’État sur l’accès et la régulation d’Internet ? Les fournisseurs d’accès auraient, dès lors, obligation de fournir des informations sur des actions sujettes aux régulations. Autrement dit, un tel dispositif ouvrirait la voie à un filtrage de la Toile au détriment de la liberté d’information en ligne. Les intentions d’une telle réforme sont d’autant plus douteuses que le président Hugo Chávez s’apprête à demander à l’Assemblée, ce 13 décembre, le pouvoir de gouverner par décret sans passer par la voie parlementaire, en raison de la crise humanitaire provoquée par les récentes pluies diluviennes. Cette dérogation à la marche normale des institutions doit porter strictement sur ce contexte de crise et s’arrêter au moment de l’investiture de la nouvelle Assemblée, qui dès lors, reprendrait l’examen des nouvelles législations. Le cas contraire trahirait une violation flagrante de la séparation des pouvoirs.
Déposée au Parlement le 9 décembre 2010, la réforme de la loi de responsabilité sociale en radio et télévision (Resorte) doit être adoptée cette semaine, à la demande expresse de la présidence. Le texte de cette réforme prévoit notamment le renforcement du régime de sanctions prévues dans la version initiale de la loi Resorte et son extension à Internet. Comme pour la loi de coopération internationale, le Parlement est sommé de répondre dans l’urgence à un ordre du président Hugo Chávez. La nouvelle Assemblée incluant les partis d’opposition, qui sera investie le 5 janvier 2011, offrirait un débat plus équilibré sur des enjeux aussi cruciaux. Est-ce parce qu’elle sait disposer d’une majorité encore totalement à sa main que la présidence veut à tout prix faire voter ces législations avant Noël ? Il y a tout lieu de le penser et ce procédé méprise la leçon du suffrage du 26 septembre dernier. La loi Resorte, dans sa version initiale, constituait déjà une véritable prime à l’autocensure des médias, en décrivant des infractions beaucoup trop générales sous une forme alambiquée et sujette à toutes les interprétations. La nouvelle version du texte aggrave ce défaut jusqu’à la caricature. Ainsi, la nouvelle loi Resorte interdit la diffusion télévisuelle, radiophonique et via Internet, de messages qui “pourraient inciter au crime contre le chef de l’État” ou qui “peuvent constituer une des manipulations médiatiques destinées à fomenter le trouble des citoyens et à altérer l’ordre public”. Sont également concernés les messages “qui pourraient être contraires à la sécurité de la nation” ou ceux “destinés à méconnaître les autorités légitimement constituées”. Un tel degré d’imprécision fausse toute base juridique sérieuse. En outre, le régime des sanctions instauré avec cette réforme législative est durci par rapport à la version précédente. Une amende équivalant à 10 % des revenus bruts annuels de l’entreprise télévisuelle ou radiophonique ou du fournisseur d’accès Internet – voire une suspension de 72 heures continues et suspension définitive si récidive – sera infligée pour les deux premières infractions déjà mentionnées (“incitation supposée au crime contre le chef de l’État” et “probable manipulation médiatique”). L’amende s’élèvera de 1 à 2 % du revenu brut annuel si le média ou le service Internet se refuse, entre autres, à transmettre l’hymne national. La sanction se limitait jusqu’alors dans ce dernier cas à la cession d’espace pour la diffusion de messages à caractère éducatif ou culturel. Par ailleurs, 3 à 4 % du revenu annuel brut devra être payé si la chaîne de télévision, la station de radio ou le média en ligne ne respecte pas les horaires définis pour certains messages ou contenus jugés violents. La catégorie “tout public” valait jusqu’alors pour la tranche horaire comprise entre 7 heures du matin et 7 heures du soir. Désormais, elle s’appliquera à une tranche allant de 6 heures du matin à 9 heures du soir. L’horaire dit “supervisé” commencera à 9 heures du soir et se prolongera jusqu’à minuit. Au-delà de l’argument officiel – en soi louable – de la protection de l’enfance, ces restrictions horaires, nettement excessives pour l’audiovisuel, paraissent impossibles à mettre en œuvre sur Internet. Or, l’article 212 de la réforme de la loi Resorte dispose que “l’État créera un point d’interconnexion ou point d’accès aux fournisseurs de services Internet avec pour finalité de réguler le trafic au sein ou à destination du pays, avec pour objet d’utiliser plus efficacement les réseaux du pays en raison du caractère stratégique du secteur”. Ce “point d’accès” marque-t-il l’arrivée d’un monopole de l’État sur l’accès et la régulation d’Internet ? Les fournisseurs d’accès auraient, dès lors, obligation de fournir des informations sur des actions sujettes aux régulations. Autrement dit, un tel dispositif ouvrirait la voie à un filtrage de la Toile au détriment de la liberté d’information en ligne. Les intentions d’une telle réforme sont d’autant plus douteuses que le président Hugo Chávez s’apprête à demander à l’Assemblée, ce 13 décembre, le pouvoir de gouverner par décret sans passer par la voie parlementaire, en raison de la crise humanitaire provoquée par les récentes pluies diluviennes. Cette dérogation à la marche normale des institutions doit porter strictement sur ce contexte de crise et s’arrêter au moment de l’investiture de la nouvelle Assemblée, qui dès lors, reprendrait l’examen des nouvelles législations. Le cas contraire trahirait une violation flagrante de la séparation des pouvoirs.
Publié le
Updated on
20.01.2016