Tensions politiques et climat hostile aux médias suscitent une forte inquiétude

A la veille des élections présidentielle et législatives prévues le 28 novembre 2011, et alors que le meurtre d'un député de l'opposition à Kinshasa ajoute à la tension politique déjà palpable, Reporters sans frontières constate que les attaques contre les médias et les journalistes congolais n'ont pas cessé. L'organisation lance un nouvel appel à tous les acteurs de la société congolaise afin que les prochaines échéances se déroulent dans un climat apaisé et dans le respect de la liberté d'informer. "Les premiers résultats du monitoring des médias organisé par Journaliste en danger sont sans appel. Ils montrent clairement, qu'en plus des agressions de journalistes et des fermetures incessantes d'organes de presse, une importante partie des médias deviennent des outils de propagande ne faisant que tendre un peu plus un climat qui s'est déjà fortement dégradé ces dernières semaines", déplore Reporters sans frontières. "Au vu de ce bilan préoccupant, à quelques jours du scrutin, nous appelons une nouvelle fois l'ensemble des acteurs de la société et de la vie politique congolaise à tout mettre en œuvre afin que la semaine se passe le plus sereinement possible. Nous rappelons aux autorités qu'une élection ne peut se tenir dans des conditions normales sans respect de l'indépendance des médias et du travail des journalistes", a ajouté l'organisation. Fermeture de médias et journalistes dans le collimateur Le 18 novembre, l'administrateur du territoire de Kabambare, Ernest Miyambo, a ordonné la fermeture de la Radio Communautaire Tujenge Kabambare (RCTK), en violation des prérogatives du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (CSAC), seul habilité à prendre de telles mesures. Cette fermeture est directement liée à la diffusion d'une interview du leader d'un ancien mouvement armé d'autodéfense, qualifiée par Ernest Miyambo "d'incitation à la révolte". L'administrateur a également ordonné l'arrestation du directeur de la RCTK, Kabuana Mukelenge. Craignant pour son sort, le journaliste a échappé à l'arrestation en entrant en clandestinité. Pour avoir diffusé des propos polémiques du candidat de l'opposition Etienne Tshisekedi, qui s'était autoproclamé président et avait notamment appelé à "casser les portes des prisons", Radio Lisanga Télévision (RLTV) avait quant à elle subi le même sort et avait été suspendue de diffusion par le CSAC entre le 7 et le 15 novembre. Le 18 novembre toujours, cinq radios émettant dans la province du Katanga (Sud-Est) ont été fermées sans préavis par l'administrateur du territoire de Kambove, Brigitte Luta. L'ordre de fermeture a été donné par Mulanya Ilunga, chef de division provincial en charge de la communication et des médias, pour défaut de paiement des licences. Les Radio Télé Jedidja (RTJ), Radio Fondation Thérèse Lukenge Kapuibwe, Radio Communautaire de Kapolowe, Radio Rocher du Salut et Radio Plein Evangile ne se seraient pas acquittées des 15 000 dollars américains réclamés par l'administration pour obtenir l'autorisation d'exploitation. Le 17 novembre, les responsables des cinq radios avaient été convoqués et s'étaient vus demander le paiement sans délai de la somme. La plupart des radios communautaires congolaises ne possèdent que rarement les ressources suffisantes pour obtenir l'autorisation. Cependant, au regard des échéances politiques de la semaine prochaine et de l'intérêt que représentent ces cinq radios pour les populations locales, le moment paraît mal choisi pour les fermer de façon aussi rapide. Outre la fermeture de médias locaux, certains médias internationaux peuvent se voir opposer une "interdiction de fait" de couvrir l'actualité politique, à travers le refus ou le retard dans l'émission du visa leur permettant d'entrer sur le territoire. Tel a été le cas récemment de l'hebdomadaire Jeune Afrique qui, dans son éditorial du 20 novembre, a dénoncé son impossibilité de dépêcher un envoyé spécial. Les autorités congolaises démentent empêcher Jeune Afrique de se rendre en République démocratique du Congo. Agressions et dangers sécuritaires Au-delà des sanctions administratives portant atteinte à la liberté d'information, les journalistes font également face à de graves problèmes de sécurité. Le 14 novembre, Antoine Tshiyenge, journaliste à Radio Télévision Lubumbashi Jua, une chaîne émettant dans la capitale du Katanga (Sud-Est), a été passé à tabac par des militants du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir) alors qu'il était invité à couvrir une manifestation organisée par certains députés, au siège local de ce parti. Selon lui, les militants auraient commencé à l'attaquer après l'avoir identifié comme un journaliste de la chaîne Jua TV. La veille, un de ses collègues, Junior Nyembwe, a également été roué de coups par des militants de l'UNAFEC, parti proche du PPRD, alors qu'il couvrait une assemblée du club de football Vita Club. Le 7 novembre déjà, Freddy Kalume, cameraman pour la même chaîne, avait fait les frais de la colère de certains militants du PPRD et avait été tabassé avant de se voir confisquer sa camera. Pour répondre à la dégradation des conditions de sécurité dans lesquelles travaillent les journalistes congolais souvent pris à partie lors de la répression brutale des manifestations qu'ils couvrent, Reporters sans frontières et Journaliste en danger, son organisation partenaire en République démocratique du Congo, ont distribué une centaine de gilets marqués "PRESSE" aux professionnels des médias. Ces gilets permettant aux reporters d'être facilement identifiables au milieu de la foule et ainsi épargnés par les forces de l'ordre ont été présentés officiellement à l'inspecteur général de police dans le cadre d'une cérémonie qui s'est tenue, à Kinshasa, le 24 novembre. Une campagne houleuse et déséquilibrée dans les médias D'après les premiers résultats du monitoring des médias en période électorale effectué par Journaliste en danger (JED) à Kinshasa, la couverture des candidats souffre de "déséquilibres flagrants" en fonction des chaines, plus ou moins acquises à certains partis. L'étude fait également état de "frénésie propagandiste" et de déclarations "à la limite de l'incitation à la haine et à la violence". Journaliste en danger a donc lancé un appel au CSAC mais également à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le 18 novembre, pour mettre en garde contre les médias devenus outils de propagande et s'écartant de leur mission d'information. Plus d'informations ici. Photo: Présentation officielle des gilets par JED à Kinshasa le 24 novembre 2011.
Publié le
Updated on 20.01.2016