Russie : de nouveaux amendements kafkaïens à la loi des “agents de l’étranger” visent à intimider les journalistes
Les députés russes ont élargi l’application de la loi dite des “agents de l’étranger” et alourdi les amendes. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des amendements insensés et incompréhensibles visant à intimider les journalistes et les inciter à l’autocensure.
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En Russie, la Douma - la Chambre basse du parlement - a adopté, le 16 février, de nouveaux amendements obscurs à la loi sur les “agents de l’étranger”, qui laissent perplexes même les juristes d’Agora, ONG russe d’avocats spécialisés dans la défense des droits humains.
Avant de publier le moindre article, les journalistes sont censés vérifier depuis le 1er janvier si les personnes et organisations citées figurent dans la liste des “agents de l’étranger” du ministère de la Justice. Si leur média ou eux-mêmes sont considérés comme "agents de l'étranger", ils ont l’obligation d'apposer cette mention à chacun de leurs articles. C’est le cas déjà d’une douzaine de médias et de trois journalistes, mais une liste plus fournie doit être publiée prochainement.
Désormais, citer une personne ou une organisation considérée comme un “agent de l’étranger” dans un média, une communication aux autorités ou sur internet sans faire état de son statut d' "agent de l’étranger”, exposerait à des amendes plus lourdes que prévu lors de la précédente modification de cette loi, fin décembre 2020.
“Au-delà de la stigmatisation systématique de certaines personnes et organisations, dont des médias et des journalistes, ces amendements sont totalement kafkaïens, s’indigne la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie Centrale, Jeanne Cavelier. Cette loi est tellement floue et son spectre tellement large qu'à défaut de pouvoir vérifier son application de manière exhaustive, les autorités pourront choisir leur cibles et infliger à qui bon leur semble des amendes insensées. RSF dénonce une entrave supplémentaire au travail des journalistes et la volonté de les intimider pour qu’ils s’autocensurent.”
Depuis le 1er janvier, le terme “agents de l’étranger” peut s’appliquer à des journalistes travaillant dans des médias considérés comme tels. Le 10 février, Radio Svoboda (le service russe du média américain Radio Free Europe/Radio Liberty) a été condamnée à payer 11 millions de roubles (122 000 euros) d’amende pour ne pas s’être enregistrée comme “agent de l’étranger” et avoir omis d’apposer cette mention dans ses articles.
La Russie occupe la 149e sur 180 pays place au Classement mondial de la liberté de la pressede RSF.