Le combat de la journaliste Lutfiye Zudiyeva pour couvrir la Crimée après plus de 10 ans d'occupation russe

Lutfiye Zudiyeva, journaliste tatar de Crimée, est l’une des dernières voix indépendantes à documenter les effets de l’occupation russe depuis la péninsule, envahie par Moscou en 2014. Au moins 12 journalistes de Crimée sont toujours détenus, parfois à des milliers de kilomètres de chez eux. Dans une vidéo pour Reporters sans frontières (RSF) en partenariat avec la revue française Kometa, Lutfiye Zudiyeva témoigne des pressions qu’elle subit et de son engagement quotidien pour défendre une information libre.

“Lutfiye Zudiyeva est l’une des dernières journalistes indépendantes encore actives en Crimée occupée, qui défie la répression russe pour diffuser une information libre. Depuis l’occupation de la péninsule en 2014, Moscou étouffe la presse locale et impose sa propagande, mais elle refuse de se taire et continue de documenter les réalités de l’occupation. RSF salue son courage et réclame la libération de l’ensemble des journalistes criméens encore arbitrairement détenus par le Kremlin.

Pauline Maufrais
Chargée de zone Ukraine chez RSF

“Il y avait trop d’événements en Crimée qui ne pouvaient être passés sous silence et qui devaient être racontés”, témoigne Lutfiye Zudiyeva dans une vidéo tournée pour RSF en partenariat avec la revue française Kometa. Depuis l’occupation russe de la péninsule en 2014, les journalistes indépendants sont traqués. Pourtant, certains refusent de se taire, comme la journaliste l’une des dernières voix libres à témoigner de la situation sur place. D’abord active sur les réseaux sociaux, elle couvre désormais les violations des droits humains en Crimée pour le média Crimean Solidarity – de l’organisation de défense des droits humains éponyme – et le site d’information ukrainien Graty, spécialisé dans les affaires judiciaires.

“Être journaliste local, travailler sur le terrain et appartenir à un peuple réprimé est une force et une faiblesse”, confie également Lutfiye Zudiyeva. Cette proximité lui donne accès à des témoignages essentiels, mais fait d’elle une cible de la répression russe. Arrêtée à trois reprises, elle a aussi subi une perquisition de son domicile en février 2024, au cours de laquelle son matériel journalistique a été confisqué, avant d’être emmenée quelques heures au “Centre de lutte contre l'extrémisme”, organe contrôlé par le ministère de l’Intérieur russe. Mais elle refuse que cette tentative d’intimidation dicte son travail. Pour elle, écrire permet de protéger les personnes en captivité : “Faire la lumière sur ce qu’il se passe protège souvent les gens de la torture dans des sous-sols. Quelques textes ou messages sur Facebook peuvent influencer la décision d’électrocuter ou non une personne.” Déterminée, Lutfiye Zudiyeva espère que ses reportages permettront “la libération des prisonniers politiques et l’arrêt de la répression en Crimée”.

Après l’invasion en 2014, l’agression russe à grande échelle en 2022 a accéléré la répression contre les journalistes de Crimée. Au moins 12 journalistes criméens sont toujours emprisonnés, parfois à des milliers de kilomètres de chez eux, soumis à des conditions inhumaines et dégradantes.

L’Ukraine et la Russie occupent respectivement la 61e et la 162e place sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024.

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61/ 180
Score : 65
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162/ 180
Score : 29,86
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