RSF a exprimé sa vive préoccupation alors que quatre mandats d'arrêt délivrés dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du journaliste Jean Dominique n'ont toujours pas été exécutés. L'organisation a demandé au Président de tout mettre en œuvre pour que les personnes concernées soient arrêtées dans les meilleurs délais.
Dans une lettre adressée au président Jean-Bertrand Aristide, Reporters sans frontières (RSF) a exprimé sa vive préoccupation alors que quatre mandats d'arrêt délivrés dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du journaliste Jean Dominique n'ont toujours pas été exécutés. L'organisation a demandé au Président de tout mettre en œuvre pour que les personnes concernées soient arrêtées dans les meilleurs délais. "Il est scandaleux que Paul Raymond et René Civil, deux des individus soi-disant recherchés par la police, aient pu tenir une conférence sans être inquiétés", s'est indigné Robert Ménard, secrétaire général de RSF. Ce dernier s'est également dit préoccupé de ce que certains blocages viendraient du sein même de la Police judiciaire, alors que les mandats concernent quatre hommes liés à Fanmi Lavalas, le parti du Président. "De plus en plus, la passivité du gouvernement dans cette affaire est assimilable à de la complicité. Nous vous demandons de tenir l'engagement que vous aviez pris le 3 mars dernier de mobiliser tous les moyens pour que l'enquête aboutisse. Autrement, comment ne pas croire que les assassins bénéficieront d'une totale impunité ?", s'est interrogé M. Ménard.
Par ailleurs, RSF a protesté contre les tirs dont a été victime Jean Ronald Dupont, journaliste de Radio Maxima FM, et contre l'agression de Jean-Marie Mayard, correspondant de Radio Métropole. Ce dernier, agressé par des membres d'une organisation populaire proche de Fanmi Lavalas, est le dixième journaliste menacé ou agressé par des partisans du parti au pouvoir depuis le 1er janvier 2001, sans qu'aucun d'entre eux ait été sanctionné.
Impunité autour de l'affaire Jean Dominique
Selon des informations recueillies par RSF, la direction de la Police judiciaire n'aurait donné aucun ordre afin de faire exécuter les mandats d'arrêt contre Richard "Cha Cha" Salomon et Franck Joseph, tous deux inculpés pour l'assassinat du directeur de Radio Haïti Inter, Jean Dominique. Les mandats d'arrêt auraient été transmis par le parquet à la Police judiciaire depuis plusieurs mois. Richard "Cha Cha" Salomon est considéré comme le "bras droit" du sénateur Dany Toussaint et Franck Joseph est un garde du corps du sénateur. Lui-même inculpé dans cette affaire, Dany Toussaint fait aujourd'hui l'objet d'une demande de levée de son immunité parlementaire. Le Sénat ne s'est, à ce jour, toujours pas prononcé sur la requête présentée par le juge d'instruction.
Par ailleurs, Paul Raymond, porte-parole de l'organisation TKL, et René Civil, porte-parole de Jeunesse pouvoir populaire (JPP), ont tenu une conférence de presse le 28 septembre 2001, alors qu'un mandat d'arrêt a été délivré contre eux dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat du journaliste Jean Dominique. Le mandat a été émis par Claudy Gassant, le juge d'instruction en charge du dossier, après que les responsables des deux OP n'ont pas répondu aux convocations qu'il leur avait adressées pour les entendre comme témoins.
Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Dans son éditorial du 19 octobre 1999, le journaliste avait vivement mis en cause les ambitions de M. Toussaint, membre de Fanmi Lavalas. En août 2001, le juge Gassant a demandé la levée de l'immunité parlementaire de ce dernier, élu sénateur en mai 2000, pour son implication présumée dans l'assassinat du journaliste.
Agressions et menaces
Toujours selon les informations recueillies par RSF, Jean Ronald Dupont, journaliste de Radio Maxima FM, a été blessé à la tête, le 2 octobre 2001, alors qu'il couvrait une manifestation dans la ville de Cap-Haïtien (Nord). Le journaliste, dont l'état est jugé stable, a été touché au moment où des policiers tiraient à hauteur d'homme pour disperser les manifestants.
Trois jours plus tôt, Jean-Marie Mayard, correspondant de Radio Métropole à St Marc (95 km au nord de Port-au-Prince) avait quant à lui été agressé par des membres de l'organisation "Bale wouze", une OP proche de Fanmi Lavalas. Ces derniers ont insulté, menacé puis ont brisé le magnétophone du journaliste alors qu'il rentrait d'un meeting du président Aristide. "Si tu continues à diffuser des nouvelles qui ne vont pas dans le sens du pouvoir Lavalas, tu es un homme mort", lui aurait déclaré l'un des agresseurs.
Au total, dix journalistes ont été menacés ou agressés par des partisans de Fanmi Lavalas depuis le 1er janvier 2001. Aucun d'entre eux n'a été sanctionné. René Civil et Paul Raymond avait notamment appelé au meurtre de Liliane Pierre-Paul, de Radio Kiskeya, et Max Chauvet, directeur du quotidien Le Nouvelliste, et de plusieurs personnalités de l'opposition au cours d'une conférence de presse donnée le 9 janvier 2001. Si M. Raymond avait été convoqué quelques jours plus tard par le ministère public, aucune sanction significative n'avait cependant été prise contre lui.