Reporters sans frontières est indignée par la chasse aux sources de journalistes, menée par les autorités indiennes dans les îles Andaman, depuis le début du mois d’octobre. Accusés d’avoir aidé deux reporters français à pénétrer dans le périmètre interdit de la tribu des Jarawas pour un documentaire, des membres de la communauté karen ont été roués de coups par la police. Deux d’entre eux ont été placés en détention.
Les journalistes
Alexandre Dereims et
Claire Beilvert sont entrés dans la réserve de la tribu aborigène des Jawaras afin de tourner un documentaire sur ce peuple en voie d’extinction et méconnu du grand public. En octobre 2014, la diffusion sur Internet du trailer du documentaire ainsi que de photos prises lors du reportage ont alerté les autorités de l’archipel indien. Elles ont exigé l’interdiction de la diffusion du documentaire, dont la sortie est prévue pour 2015, et entrepris de tout faire pour identifier les collaborateurs des journalistes, y compris en recourant à la violence. Selon The Echo of India,
trois membres de la communauté karen, Saw Santom, Saw Awenger et Saw Safrni, auraient été arrêtées et passés à tabac par le chef de la police de Mayabunder afin de confesser leur prétendue complicité avec les reporters français. L’un des interpellés a été hospitalisé suite à l’interrogatoire policier. Les deux autres sont toujours en détention.
Selon plusieurs médias indiens, une procédure judiciaire a été lancée à l'encontre des journalistes. Ces derniers
seraient accusés d’avoir violé la “loi sur la protection des tribus aborigènes de 2012”, en se rendant dans la réserve tribale. La publication de photos et vidéos sur leur compte facebook constituerait une violation de la “loi sur les technologies de l’information”. L’administration d’Andaman
prévoirait également de solliciter l’aide d’Interpol afin d’interpeller les journalistes.
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Il est inacceptable que la police se livre à une véritable chasse aux sorcières afin de punir tout collaborateur des médias. Voulant à tout prix trouver des coupables, la police est prête à tout, y compris à recourir à la violence, pour obtenir des aveux, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique à Reporters sans frontières.
Les autorités doivent reconnaître le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources. S’il est vrai qu’ils ont violé la loi sur la protection des tribus aborigènes, les questions sur les droits de l’homme soulevées par leur documentaire en font un travail d’intérêt général qui pourrait justifier leur action au regard du droit international.”
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Nous demandons aux autorités de cesser de harceler les membres de la communauté karen qu’elle suspecte de collaboration et de respecter l'état de droit. Nous demandons également l’abandon des charges à l’encontre des journalistes”, déclare Virginie Dangles, responsable des programmes à Reporters sans frontières.
Selon, The Echo of India, des perquisitions auraient également été conduites sans aucune autorisation de la justice.
Le 31 octobre, le député Bishnu Pada Ray a exhorté l’administration d’Andaman et Nicobar à ne pas “harceler inutilement les Karen innocents, au nom de l’enquête.”
L’Inde est au 140e rang sur 180 dans le
Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.