Le 18 août 2004, la cour fédérale de Washington a condamné cinq journalistes à payer une amende de 500 dollars par jour aussi longtemps qu'ils refuseraient de révéler leurs sources. Il s'agit de la seconde sanction de ce type prononcée en moins de quinze jours. "C'est le rôle de contre-pouvoir de la presse qui est en jeu", a déclaré Reporters sans frontières.
Reporters sans frontières proteste contre l'amende prononcée le 18 août par un juge fédéral pour "outrage à magistrat" contre cinq journalistes après qu'ils ont refusé de révéler leurs sources. L'application de la décision a été suspendue, les journalistes ayant fait appel.
"Il s'agit de la seconde sanction prononcée en moins de quinze jours, pour refus de révéler leurs sources, contre des journalistes", s'est inquiétée Reporters sans frontières. "Malheureusement, la question du secret des sources est de plus en plus fréquemment une pierre d'achoppement entre la presse et la justice américaines. Cette dernière doit comprendre que, sans secret des sources garanti aux journalistes devant les tribunaux, aucune personne disposant d'informations sensibles n'osera plus les leur remettre. C'est le rôle de contre-pouvoir de la presse qui se trouve gravement affecté par cette décision", a déclaré l'organisation qui espère que celle-ci sera annulée en appel.
Le 18 août 2004, le juge Thomas Penfield Jackson, de la Cour fédérale de Washington, a condamné cinq journalistes qui avaient couvert l'affaire Wen Ho Lee - un scientifique accusé d'espionnage avant d'être blanchi par la justic- à payer une amende de 500 dollars par jour, aussi longtemps qu'ils refuseraient de révéler leurs sources. Le juge fédéral considère que leur refus d'appliquer sa décision du 14 octobre 2003, par laquelle il leur intimait de révéler leurs sources à l'avocat du scientifique, constituait un "outrage à magistrat".
Interrogés par ce dernier entre le 18 décembre 2003 et le 8 janvier 2004, les journalistes avaient livré toutes les informations qu'il leur était possible de donner sans révéler leurs sources, invoquant le premier amendement de la Constitution pour les protéger.
Les journalistes concernés sont Jeff Gerth et James Risen, du quotidien New York Times, Robert Drogin, du quotidien Los Angeles Times, H. Josef Hebert, de l'agence Associated Press, et Pierre Thomas, qui travaillait pour la chaîne CNN au moment des faits.
Cette décision intervient dans le cadre de la plainte de Wen Ho Lee contre les ministères ("departments") de la Justice et de l'Energie qu'il accuse d'avoir fourni à la presse des informations le concernant et le désignant comme suspect d'espionnage. Dans les attendus du
14 octobre 2003, le magistrat considérait que Wen Ho Lee avait le droit de savoir qui, au sein de ces administrations, avait été à l'origine des fuites ayant conduit à sa mise en cause dans les médias.
Deux autres affaires en cours
Le 6 août dernier, le juge fédéral Thomas F. Hogan a ordonné l'incarcération de Matthew Cooper, de l'hebdomadaire Time, pour "outrage à la cour". Le journaliste a refusé de répondre à la convocation d'une chambre spéciale chargée d'enquêter sur l'origine de la révélation de l'identité d'un agent de la CIA, Valerie Plame. Time, qui soutient son employé, a été condamné à payer 1 000 dollars (820 euros) d'amende par jour aussi longtemps que le journaliste maintiendra son refus. Matthew Cooper et le magazine ayant fait appel, les deux décisions ont immédiatement été suspendues.
Le 16 mars 2004, Jim Taricani, de la chaîne WJAR-TV 10, a écopé d'une amende de 1 000 dollars par jour, aussi longtemps qu'il persisterait dans son refus de révéler ses sources. Le tribunal souhaitait connaître l'identité de la personne qui lui avait fourni une vidéo réalisée dans le cadre d'une enquête secrète du Bureau d'enquête fédérale (Federal Bureau of Investigation, FBI). Diffusée le 1er février 2001, cette vidéo montrait un ancien haut fonctionnaire de la municipalité de Providence acceptant un pot-de-vin d'un informateur du FBI. Le maire de Providence, Vincent "Buddy" Cianci Jr. avait par la suite été condamné à cinq ans de prison pour corruption.
Incarcérée pendant 168 jours
Entre juillet 2001 et janvier 2002, Vanessa Leggett, journaliste free-lance, avait été placée en détention pour "outrage à la cour". Elle avait refusé de révéler à un tribunal fédéral du Texas le contenu d'une interview qu'elle avait faite du principal suspect d'un crime. Sa remise en liberté était liée à l'expiration du mandat du tribunal qui l'avait sanctionnée pour "outrage". La journaliste avait présenté un recours devant la Cour suprême pour violation des amendements 1 et 5 de la Constitution relatifs à la liberté d'expression et au droit de témoigner mais son recours avait été rejeté le 15 avril 2002.