Reporters sans frontières demande au secrétaire général du Commonwealth d'intervenir en faveur des journalistes emprisonnés

Le 22 mai 2004, le Commonwealth a réintégré dans ses rangs le Pakistan, exclu en 1999 à la suite du coup d'Etat du général Pervez Musharraf. Alors que les violations de la liberté de la presse se sont multipliées au cours des derniers mois au Pakistan, Reporters sans frontières demande au secrétaire général du Commonwealth, Donald McKinnon, d'intervenir auprès du président Pervez Musharraf et du Premier ministre Mir Zafarullah Khan Jamali en faveur de quatre journalistes emprisonnés. L'organisation espère que cette réintégration permettra au Commonwealth d'obtenir des améliorations concrètes de la situation des droits de l'homme au Pakistan, notamment la libération des journalistes actuellement emprisonnés et l'acquittement de Khawar Mehdi Rizvi qui risque la prison à vie. Sami Yousafzai, de l'hebdomadaire américian Newsweek, est détenu au secret depuis le 21 avril 2004 par les autorités pakistanaises. Celles-ci n'ont toujours pas confirmé l'arrestation du journaliste. On est sans nouvelles du conducteur de taxi, Mohamed Salim, qui l'accompagnait. Reporters sans frontières redoute que Sami Yousafzai ne soit jugé et condamné en vertu de la loi spéciale régissant les zones tribales (Frontier Crimes Regulation Law) qui n'offre aucune garantie d'un procès juste et équitable. Le 8 juillet 2003, Munawar Mohsin, ancien responsable du courrier des lecteurs du quotidien The Frontier Post, a été condamné à la prison à perpétuité par la Haute Cour de la Province-Frontière du Nord-Ouest (NWFP). Le journaliste a été reconnu coupable d'avoir "sélectionné" et "publié" une lettre jugée blasphématoire, violant ainsi le code pénal. Dans son édition du 29 janvier 2001, The Frontier Post avait publié une lettre signée d'un certain Ben Dzec, dans laquelle ce dernier aurait insulté le prophète Mahomet. Le 12 août 2003, Rasheed Azam, journaliste des publications locales Intikhab et Asap et militant des droits de l'homme dans la province du Baloutchistan (sud-ouest du pays), a été arrêté après avoir distribué une affiche représentant un militaire en train de frapper de jeunes manifestants. Lors de l'enquête menée par la police, il lui a également été reproché ses articles critiques envers la politique des autorités fédérales à l'encontre de la population du Baloutchistan. Le journaliste aurait été frappé lors d'interrogatoires. Sa demande de libération sous caution a été successivement rejetée par une cour de première instance et par la Haute Cour. Depuis avril 1999, Rehmat Shah Afridi, ancien rédacteur en chef des quotidiens The Frontier Post et Maidan, est détenu dans des conditions difficiles. En juin 2001, il a été condamné à mort pour "trafic et possession de drogue". Le journaliste a toujours clamé son innocence. Le 20 mai 2004, la Haute Cour de Lahore a dénoncé la destruction par la police de certaines preuves matérielles qui ont permis la condamnation de R. S. Afridi. Cette prise de position des juges confirme que le journaliste a été victime d'une vengeance de l'agence de lutte contre la drogue (Anti-Narcotics Force-ANF) pour ses dénonciations des abus de pouvoir et de la corruption de cet organisme financé par le gouvernement américain. Après son arrestation, le journaliste a été torturé puis placé dans le quartier des condamnés à mort de la prison de Kot Lakhpat, à Lahore (province du Pendjab). Jusqu'à une date récente, il était gardé vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans sa cellule et ne disposait pas de matelas. Par ailleurs, un autre journaliste pakistanais, Khawar Mehdi Rizvi, collaborateur de l'hebdomadaire français L'Express, a été détenu au secret pendant plusieurs semaines par des militaires. Il a été libéré sous caution le 29 mars 2004, mais il reste poursuivi pour "sédition" et "conspiration". Il risque la prison à vie. Les autorités lui reprochent d'avoir organisé pour deux journalistes français un faux reportage sur les activités de groupes armés taliban à la frontière avec l'Afghanistan. Reporters sans frontières a enfin transmis au secrétaire général du Commonwealth une copie du chapitre Pakistan du dernier rapport annuel de l'organisation. Ce document recense en 2003 douze interpellations, vingt-sept agressions et au moins six menaces contre des journalistes. Reporters sans frontières a également relevé quelques améliorations, notamment l'émergence de chaînes de télévision privées.
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Updated on 20.01.2016