Report des décisions de justice dans les affaires Tempo et Supinya Klangnarong

En Indonésie, la cour centrale de Jakarta a reporté au 16 septembre 2004 son verdict dans le procès en "diffamation" à l'encontre de Bambang Harymurti (photo). Les juges se prononceront le même jour sur son sort et celui de ses deux confrères, Ahmad Taufik et Teuku Iskandar Ali, poursuivis dans la même affaire. Le rédacteur en chef et les deux journalistes risquent respectivement quatre et deux ans de prison. Avant d'annoncer sa décision, la cour a auditionné Teuku Iskandar Ali et Ahmad Taufik. Ce dernier a demandé l'acquittement. "S'il vous plaît, ne m'emprisonnez pas. Je sais déjà ce que ce que signifie être en prison. S'il vous plaît, ne me condamnez pas à payer une amende, parce que je ne peux pas me le permettre", a expliqué le journaliste déjà emprisonné en 1994 sous le régime de Suharto. En Thaïlande, les avocats de la Shin Corp, société appartenant à la famille du Premier ministre Thaksin Shinawatra, ont réussi à reporter à juillet 2005 le procès au pénal pour "diffamation" à l'encontre de la militante de la liberté de la presse Supinya Klangnarong (photo) et de deux journalistes du quotidien Thai Post. Le procès se tiendra donc après les élections législatives de février 2005. Fin septembre, la justice thaïlandaise doit, par ailleurs, se prononcer sur la recevabilité de la plainte au civil de la Shin Corp. Si la plainte n'est pas rejetée, Supinya Klangnarong pourrait être condamnée à une amende de dix millions d'euros. ________________________________________________________ 31.08.2004 Des journalistes risquent des peines disproportionnées dans des procès en diffamation Lettre ouverte au secrétaire général de l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) Son Excellence Ong Keng Yong Secrétaire général, Association des nations du Sud-Est asiatique, Jakarta, République d'Indonésie Paris, le 31 août 2004 Monsieur le Secrétaire général, Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de la presse, souhaite attirer votre attention sur les peines encourues par la journaliste thaï Supinya Klangnarong et par le rédacteur en chef de l'hebdomadaire indonésien Tempo, Bambang Harymurti. Les deux verdicts doivent être prononcés le 6 septembre 2004. Nous considérons que les peines requises dans ces deux cas sont excessives et contraires aux textes internationaux et régionaux protégeant la liberté d'expression. Nous tenons à vous rappeler que la déclaration fondatrice de l'ASEAN de 1967 affirme que les pays membres doivent respecter la "justice et l'Etat de droit". Il est de votre devoir de rappeler aux gouvernements des Etats membres leurs engagements. Il est d'autant plus regrettable que ces procès se déroulent dans deux pays, l'Indonésie et la Thaïlande, souvent présentés comme des modèles au sein de l'ASEAN pour leur respect de la liberté d'expression. Le 6 septembre prochain, si de lourdes peines sont infligées à ces deux journalistes, il s'agira d'un grave retour en arrière pour la liberté d'expression en Asie du Sud-Est. En Indonésie, la cour centrale du district de Jakarta doit se prononcer sur la culpabilité de Bambang Harymurti, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Tempo. Il risque une peine de deux ans de prison avec application immédiate pour "diffamation". Ce procès fait suite à une plainte contre les auteurs de l'article et le rédacteur en chef du magazine, déposée par l'homme d'affaires Tomy Winata qui n'a pas supporté la publication le 3 mars 2003 par cet hebdomadaire d'un article sous-entendant sa culpabilité dans l'incendie d'un marché de textiles. En Thaïlande, Supinya Klangnarong, secrétaire générale de l'ONG Campaign for Popular Media Reform (Campagne pour la réforme des médias populaires), est également poursuivie pour "diffamation". Dans un article publié le 16 juillet 2003 dans le quotidien Thai Post, la journaliste avait fait remarquer que les profits de la société Shin Corp avaient sensiblement augmenté depuis que Thaksin Shinawatra, son fondateur, était devenu Premier ministre. Supinya Klangnarong encourt une amende de 400 millions de baths (environ 8 millions d'euros). Nous vous prions, Monsieur le Secrétaire général, d'agir et d'user de votre influence auprès des autorités de ces deux pays pour qu'ils garantissent dans ces deux affaires le respect de la liberté de la presse. Plus généralement, Reporters sans frontières vous demande de bien vouloir promouvoir la révision des lois sur la diffamation dans les pays membres de l'ASEAN afin d'en supprimer les peines de prison et les amendes exorbitantes. L'organisation tient à vous rappeler que, dans un texte adopté en janvier 2000, le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression des Nations unies a clairement établi que "l'emprisonnement en tant que condamnation de l'expression pacifique d'une opinion constitue une violation grave des droits de l'homme". Je vous prie de d'agréer, Monsieur le Secrétaire général, l'expression de ma haute considération. Robert Ménard Secrétaire général
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Updated on 20.01.2016