Élections générales en Indonésie : RSF appelle les candidats à s'engager pour la liberté de la presse

Reporters sans frontières (RSF) appelle les candidats aux élections générales en Indonésie, prévues le 14 février 2024, à intégrer dans leur programme des réformes pour renforcer la liberté de la presse, essentielles pour consolider le système démocratique du pays.

Dans un mois, les 205 millions d’électeurs que compte la troisième plus grande démocratie du monde seront appelés aux urnes. À l'approche des élections présidentielle et législatives indonésiennes du 14 février 2024, RSF appelle les candidats à s'engager à prendre des mesures visant à renforcer la sécurité physique et numérique des professionnels des médias, et à mettre fin aux procédures abusives en matière de diffamation.

Trois principaux candidats sont en lice pour les présidentielles : le candidat indépendant et ancien gouverneur de Jakarta, Anies Baswedan, et son colistier Muhaimin Iskandar de la Coalition du changement pour l'unité ; l'ancien gouverneur de la province de Java central Ganjar Pranowo et Mahfud MD de l'Alliance des partis politiques soutenant Ganjar Pranowo, ainsi que l’actuel ministre actuel de la Défense, Prabowo Subianto, en lice avec Gibran Rakabuming de la Coalition pour une Indonésie de progrès.

"Les dix années de mandat du président actuel, Joko Widodo, ont été marquées par une série de promesses non tenues en matière de liberté de la presse. Nous appelons les candidats aux élections générales à prendre des mesures concrètes pour assurer la sécurité des journalistes et mettre fin aux procédures abusives contre les professionnels des médias. Ces deux conditions sont nécessaires pour améliorer le secteur des médias, et ainsi permettre de consolider la démocratie indonésienne.

Cédric Alviani
Directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF

Un environnement médiatique dynamique mais entravé 

Troisième pays le plus peuplé au monde et plus grand d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie jouit d’un environnement médiatique dynamique, animé par une centaine de milliers de journalistes. Leur travail est cependant régulièrement entravé par des actes de violence ou d'intimidation, et par la persistance de sujets tabous dans la société, comme l'identité de genre.

Ces dernières années, plusieurs journalistes ont été détenus pour leurs reportages, comme Muhammad Asrul, condamné à trois mois de prison pour diffamation, en 2021, après avoir révélé une affaire de corruption. En novembre 2023, la maison du journaliste Weren Timo a été détruite dans un incendie criminel, peu après que le journaliste ait reçu des menaces liées à ses reportages sur des activités de jeu illégales.



La situation est encore plus préoccupante dans la région de Papouasie occidentale, située dans l'est de l'Indonésie, où un verrouillage de l’information a été imposé par l’armée, qui empêche les journalistes de couvrir sa brutale répression du mouvement séparatiste papou. Malgré les promesses électorales du président sortant Joko Widodo, il reste très difficile pour les journalistes de faire des reportages depuis cette région. En août 2019, après l'éclatement de manifestations indépendantistes, les autorités indonésiennes ont imposé une coupure d'Internet dans la région, empêchant les journalistes de couvrir les protestations.

Les recommandations de RSF aux candidats :

  • Assurer la protection et la sécurité des journalistes contre toute forme de violence, de pression, de harcèlement et toute tentative visant à les empêcher de faire leur travail ou à compromettre leur capacité à le faire, et mener des enquêtes impartiales et indépendantes pour identifier et poursuivre les responsables de crimes et violences contre les journalistes.

     
  • Cesser les entraves au droit à l'information dans la province de Papouasie occidentale, en garantissant que tous les journalistes ont, en pratique, un accès sans entrave à la région en veillant qu'Internet, y compris les réseaux sociaux, y reste ouvert, accessible et sécurisé.

     
  • Réformer les lois sur la diffamation, en supprimant les peines d’emprisonnement et les amendes disproportionnées de la loi sur l'information et les transactions électroniques (loi ITE), et en introduisant une législation visant à identifier les procédures-bâillons contre les journalistes.

     
  • Adopter des règles contre la désinformation conformes aux normes internationales en matière de liberté d'expression et sur la base des recommandations du rapport du Forum sur l'information et la démocratie sur les infodémies (2020). Ces politiques devraient également prévoir l’instauration d’un mécanisme de contrôle judiciaire des blocages ou suppressions de contenus par les autorités gouvernementales ou les plateformes en ligne.

     
  • Mettre l'accent sur la réflexion critique et l'éducation aux médias dans les programmes scolaires et les mesures éducatives publiques, en veillant à ce que les écoliers apprennent dès leur plus jeune âge à discerner les faits de la fiction.

     

L'Indonésie, classée 108e sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2023 de RSF, garantit en principe la liberté de la presse dans sa législation.

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