Relaxe de Philippe Val et Charlie Hebdo dans le procès des caricatures : Reporters sans frontières se félicite d'une décision bénéfique à l'ensemble de la société
Jeudi 22 mars 2007, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Philippe Val, directeur de publication de Charlie Hebdo, poursuivi pour “ injure stigmatisant un groupe de personnes en raison de sa religion” après la parution de caricatures du prophète Mahomet. Reporters sans frontières se réjouit de ce jugement et espère qu'il fera jurisprudence.
Jeudi 22 mars 2007, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Philippe Val, directeur de publication de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, dans le procès qui lui avait été intenté par la Grande Mosquée de Paris, l'Union des organisations islamiques de France (UIOF) et la Ligue islamique mondiale pour "injure stigmatisant un groupe de personnes en raison de sa religion” après la parution de caricatures du prophète Mahomet.
“Nous nous réjouissons de cette décision conforme aux valeurs de la République et bénéfique à l'ensemble de la société française. Nous saluons le commentaire des juges qui ont précisé que dans cette affaire, les limites de la liberté d'expression n'avaient pas été dépassées. Ce jugement consacre une victoire de la liberté de la presse et en aucun cas la défaite d'une communauté. Nous espérons que ce jugement fera jurisprudence”, a déclaré l'organisation de défense de la liberté de la presse.
L'UOIF a annoncé qu'elle ferait appel de la décision, tandis que la Grande Mosquée de Paris a fait savoir qu'elle ne la contesterait pas.
L'issue de ce procès symbolique de la défense de la liberté de la presse suit la décision des juges danois qui avaient également acquitté les responsables du Jyllands-Posten, premier journal ayant publié les douze caricatures du Prophète.
Les trois plaignants demandaient à Charlie Hebdo 30 000 euros de dommages et intérêts alors que le parquet avait requis la relaxe. Philippe Val, le directeur de la rédaction, encourait une peine maximale de six mois d'emprisonnement et une amende de 22 500 euros. A la sortie du tribunal, ce dernier a manifesté sa satisfaction et sa confiance dans la justice française en précisant : “Le tribunal nous a légitimés."
Outre la mobilisation du corps journalistique, de nombreux hommes politiques, dont François Bayrou, candidat UDF à la présidence de la République, et François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, avaient témoigné de leur soutien à l'hebdomadaire lors du procès qui s'est déroulé les 7 et 8 février 2007. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et des Cultes et candidat UMP à l'élection présidentielle, avait également supporté le journal en affirmant préférer “l'excès de caricatures à l'absence de caricatures”.
L'hebdomadaire avait publié, le 8 février 2006, dix caricatures du Prophète. Les parties civiles n'avaient cependant attaqué Charlie Hebdo que pour trois caricatures. Deux des trois caricatures étaient parues dans le quotidien danois Jyllands-Posten en 2005. L'une représentait le Prophète coiffé d'un turban en forme de bombe prête à exploser et l'autre montrait Mahomet disant : “Arrêtez, arrêtez, nous n'avons plus de vierges ! ”. La troisième caricature publiée en une et dessinée par Cabu représentait le Prophète se prenant la tête dans les mains et déclarant : “C'est dur d'être aimé par des cons”.
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Relaxe de Charlie Hebdo : « le débat doit se poursuivre en dehors du cadre judiciaire »
Le 22 mars 2007, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé la relaxe de Charlie Hebdo dans le procès que lui avaient intenté la Grande Mosquée de Paris, La Ligue islamique mondiale et l'Union des Organisations islamiques de France (UOIF), pour injure envers les musulmans. L'hebdomadaire satirique avait publié le 8 février 2006, dix caricatures du Prophète précédemment parues dans le quotidien danois Jyllands-Posten en 2005. Reporters sans frontières a assisté à la conférence de presse organisée dans les locaux de « Charlie » quelques heures après l'annonce du jugement, en présence de Philippe Val, de Mes Kiejman et Malka et de Dominique Sopo (président de SOS Racisme). Extraits des échanges qui se sont tenus dans une ambiance partagée entre franche satisfaction et questionnement sur l'avenir.
Question : Vous avez reçu un soutien très large de la part de la classe politique. Cela vous a-t-il surpris ?
Philippe Val : J'aurais trouvé anormal que dans un État de droit des responsables politiques ne nous soutiennent pas.
Q : Etes-vous satisfait du jugement rendu par la 17e chambre ?
Me Kiejman : Absolument. Le tribunal ne laisse aucun aspect de cette affaire dans l'ombre. Notamment, il a reconnu que des restrictions peuvent être apportées à la liberté d'expression si elle se manifeste sans contribuer au débat public ni favoriser le progrès dans les affaires humaines. Mais le tribunal a heureusement et justement considéré que ce n'était pas le cas de Charlie Hebdo. Il a reconnu que l'on a le droit de blesser des sensibilités à partir du moment où ce n'est ni gratuit ni raciste et contribue à l'intérêt général. Le tribunal s'est engagé et a précisément défini le contexte en posant que « les limites admissibles de la liberté d'expression n'ont pas été atteintes ».
Q : Vous avez été relaxé, pour autant le débat sur la liberté d'expression n'est pas clos, n'est-ce pas ?
PV : En effet, mais ce débat doit désormais se poursuivre en dehors du cadre judiciaire. Il faut poursuivre la réflexion sur les réponses à apporter à l'intégrisme, et à toutes les formes d'obscurantisme qui menacent notre capacité à vivre ensemble. Nous sommes absolument ouverts et favorables à un prolongement du débat. Notre main est tendue. Ce qui peut arriver de mieux, c'est que les gens débattent.
Dominique Sopo : Le débat n'est pas clôt. Mais il est toujours utile dans une République que des bornes soient fixées et rappelées par la loi. Ceci étant, c'est avec des journaux comme Charlie Hebdo que les débats progressent, c'est donc une décision doublement bénéfique.
Q : Le texte du jugement fait fréquemment référence au contexte. Y voyez-vous une menace potentielle pour la liberté de la presse ?
PV : Non. Sans contexte, il n'y a pas de compréhension possible d'une situation. C'est le propre de la profession de journaliste que de savoir agir et écrire en fonction des circonstances, de savoir apprécier une situation. Cela ne constitue pas une menace pour la liberté d'expression, mais signifie seulement qu'il n'y a pas de liberté absolue.